APRÈS SÉANCE
Décidément, passer après Avengers : Infinity War et surtout avant le très attendu Avengers : Endgame, n’est pas chose aisée. Il y a quelques mois, Ant-man and the Wasp s’y est risqué, signant personnellement ma pire expérience du Marvel Cinematic Universe. Deux mois seulement avant le retour de Thanos sur nos écrans, c’est donc au tour de Captain Marvel de faire patienter les fans. Et c’est visiblement la seule ambition de ce film qui est plutôt oubliable, tant sur le fond que sur la forme. Ce n’est pas spécialement mauvais, il y a même des choses qui auraient pu être très bien, mais c’est globalement mal exploité. A croire que Marvel Studios n’y croyait pas réellement, qu’il s’agissait surtout de répondre au succès de Wonder Woman. Faut dire que dès le départ, l’écurie au logo rouge était en retard sur son concurrent pour une fois. Juillet 2014, DC/Warner annonce un film centré sur l’amazone, film réalisé par une femme. Il ne faudra que trois mois à Marvel/Disney pour annoncer SON premier film de super-héroïne avec une femme derrière la caméra. C’est ainsi que Vers a honteusement grillé la priorité à Natacha Romanoff, qui devra elle attendre 2020.
Vers (Brie Larson) fait partie de la Starforce, une équipe de soldats Kree basée sur la planète Hala. Même si les Kree sont une race extraterrestre à la technologie très avancée, elle possède visiblement des pouvoirs hors-du-commun, liés à une puce greffée à son cou. A l’occasion d’une mission avec son mentor Yon-Rogg (Jude Law) et d’autres Kree, elle est capturée par Talos (Ben Mendelsohn), chef des Skrulls. Ces aliens métamorphes sont les ennemis jurés des Kree, et souhaitent sonder l’esprit de Vers. A cette occasion, des souvenirs qui semblent appartenir à une autre vie ressurgissent. Lorsque Vers s’échappe et atterrie sur C-53, la Terre des années 90, elle est déterminée à retrouver la docteure Wendy Lawson (Annette Bening) qui lui semble si familière. L’agent du SHIELD, Nick Fury (Samuel L. Jackson) va garder ses deux yeux sur elle.
SUR LE FOND : 6 étoiles
Captain Marvel s’ouvre sur une belle promesse. Brie Larson n’arrive pas à dormir, regarde par la fenêtre et BIM ! Environnement inconnu, technologie mystérieuse, de quoi captiver le spectateur. Je passe la première scène de combat, entre Vers et Yon-Rogg. C’est moche, archi-cuté et filmé avec une shaky cam qui file la nausée, mais malheureusement, nous aurons l’occasion d’y revenir dans la partie FORME. Ce qui m’intéresse se passe après, Vers est acceptée au sein de la Starforce et participe à sa première mission. Le chef Yon-Rogg déroule le plan comme dans tout bon film de sauvetage ou de braquage et hop, on entre dans l’action. Ça, c’était la partie vraiment cool du film, et elle ne dure que 20 minutes… Très rapidement, le film atteint son rythme de croisière et se transforme en buddy movie. Alors, c’est sympa parce que le duo formé par Vers et Nick Fury fonctionne bien, et que pour une fois le personnage interprété par Samuel L. Jackson a le droit à plus de 10 lignes de dialogue. Mais l’aspect buddy movie/enquête prend vraiment le pas et annihile tout espoir d’action. C’est tellement mou, pas inintéressant mais il ne se passe juste pas grand-chose. Déjà que les enjeux ne sont pas ouf, en gros à part la quête d’identité de Vers (bordel, encore une) il n’y a pas grand-chose, mais en plus il ne se passe rien.
Et c’est d’autant plus décevant que Captain Marvel avait tous les éléments pour proposer quelque chose d’intéressant et de neuf. Rien que dans les thématiques plus-ou moins traitées dans le film. Le féminisme évidemment, on a un personnage féminin bad-ass qui est rabaissée ou bridée par les hommes qui l’entourent. Même ce sujet, pourtant assez central au projet, n’est pas assez exploité. Il n’y a à aucun moment de scène véritablement épique… Je ne porte pas spécialement Wonder Woman dans mon cœur, c’est à mon sens un mauvais film à bien des égards mais il y a une chose que je ne peux pas lui reprocher, c’est d’avoir iconiser son héroïne. Cela peut paraitre too much, mais dans la scène du No man’s land, avec le ralenti, la musique, les explosions partout… Alors que tous les hommes se cachent, Diana va en première ligne, montre sa puissance et entraine derrière elle tous les soldats. Ça, ça a quand même de la gueule. Eh bien dans Captain Marvel, c’est complétement absent.
Et ce n’est pas le seul thème qui est mal exploité dans le film. Je vais faire une zone spoiler pour entrer un peu dans le détail, mais Captain Marvel aurait pu développer des choses vraiment passionnantes concernant l’endoctrinement, la manipulation de l’information etc.
Parce qu’un des twists du film, c’est la remise en cause du postulat manichéen de départ. Les Kree ne sont pas si vertueux, et les Skrulls, malgré leur tête d’orc vulcain, ne sont pas si méchants. Le côté « Ah mais en fait, je ne suis pas dans le bon camp » est plutôt intéressant, mais aurait mérité un meilleur traitement. Ici, la révélation est une première fois désamorcée par le fait que Vers et Fury acceptent d’abord de discuter avec Thalos (on se doute alors du changement de situation), et une seconde fois en révélant la vérité par un flash-back impersonnel. Lorsque Brie Larson sort prendre l’air la petite larme à l’œil, le moment est déjà parti, l’effet complétement estompé. C’est vraiment dommage parce qu’à ce moment-là, le personnage se rend compte que « toute sa vie », tout son combat ne repose en réalité que sur un mensonge, un complot. Nous aurions pu avoir une scène mémorable de révélation du type « Tu étais l’élu, c’était toi ! », avec un vrai impact. Mais non.
Pas d’enjeu, donc pas d’émotion. Ni crainte, ni joie, ni tristesse… Et ce n’est pas la mièvre scène de croyance en soi entre Maria et Vers qui y changera quelque chose. En même temps, Brie Larson passe les deux heures du film à jouer la petite je-sais-tout sarcastique, comment ressentir de l’empathie pour elle ? Pas que cela soit catastrophique, non il y a Jude Law qui s'occupe largement de ça... C'est même un mood qui participe à l'ambiance « à la cool » du film. Ça se balance des petites vannes, tout ça, tout ça. Mais ça coupe juste toute envie de s'attacher à l'héroïne.
Restons sur les personnages, Talos est interprété par Ben Mendelsohn, décidément habitué aux rôles de méchants après Krennic dans Rogue One ou Sorrento dans RPO. Je ne sais pas ce que ça donne avec le doublage mais en VO, ça ne colle pas vraiment avec la menace qu'est censé incarner Talos (du moins, une partie du film). Surtout que les Skrulls sont la plupart du temps sapés comme des terriens, ça en impose quand même un peu moins. Nick Fury est peut-être le personnage que j'ai pris le plus de plaisir à voir à l'écran. Trop souvent cantonné à simplement débloquer une situation ou remotiver les troupes, le personnage interprété par Samuel L. Jackson est ici réellement développé. L'acteur avait d'ailleurs été le premier à se plaindre du faible rôle de son personnage dans le MCU, et lorsqu'on sait comment Samuel L. Jackson tient Disney par les cou***, sa revendication a logiquement été pris en compte. Pour la petite histoire, début des années 2000, Marvel décide de re-designer une partie de ses personnages dont Nick Fury. L’auteur Mark Millar décide de lui donner les traits de l'acteur bankable à cette époque (Pulp Fiction en 94, la prélogie Star Wars à partir de 99, Incassable en 2000), mais omet de lui demander son accord. S'en suit une action en justice, à laquelle Samuel L. Jackson obtiendra sa préemption absolue sur le rôle en cas d’adaptation cinématographique.
Where's Fury ?
Globalement, Captain Marvel est efficace même s’il est parfois vraiment grossier en termes de ficelles scénaristiques. On a par exemple le classique « Rah la la, la technologie, ça ne fonctionne vraiment jamais lorsqu’on en a besoin… ». Dans la mission de sauvetage au début du film, les Kree séparés de quelques dizaines de mètres ne se captent plus, mais parviennent quand même à localiser la cible cachée dans une grotte. Sur Terre, Vers arrive à bidouiller un communicateur de l’espace avec une simple cabine téléphonique, mais ça coupe pile au mauvais moment faute de monnaie… Bah oué mais tu pars en mission et tu n’as même pas de forfait sur ta télécarte, pas sérieux ça ! Bref, ce n’est pas très fin et, plus problématique, c’est ostensiblement incohérent sur certains points avec l’univers étendu. Captain Marvel est le premier film du MCU à réellement briser la timeline plus-ou-moins linéaire de la saga, hormis Captain America : First Avenger qui se passe majoritairement dans les années 40. Une première donc, et c’est raté. Après Avengers : Infinity War et notamment sa scène post-générique, une des questions qui brulaient les lèvres de tous les Marvel fanboy était : Mais pourquoi diantre Nick Fury n’a pas appelé Carol Danvers plus tôt, notamment durant les événements de Avengers et Avengers : l’ère d’Ultron ? La question est renvoyée d’un revers en une réplique, littéralement autour d’une vaisselle :
Only in emergencies.
Ah bah ok, content d’apprendre que l’invasion des Chitauris via un énorme trou de verre dans le ciel de New York, ou la contamination d’Internet par une IA souhaitant annihiler l’espèce humaine et créant des milliers de robots tueurs n’étaient pas des urgences… Non, désolé, là ça ne suffit pas. Le MCU est dans son ensemble assez exemplaire en termes de continuité, on parle quand même d’une saga de plus de 20 films, mais là, cette réplique ne suffit pas.
SUR LA FORME : 5,5 étoiles
De nombreux noms de réalisatrices avait fuité, mais le projet a finalement été confié à un binôme mixte : Ryan Fleck et Anna Boden. Un choix étonnant de la part de studio car, premièrement, il puise ici dans le cinéma indépendant. Ryan Fleck et Anna Boden ne sont en effet pas habitués aux blockbusters. A titre d’exemple, le budget de leur dernier film Under Pressure était de 6 millions de dollars, un budget 25 fois inférieur aux 152 millions de Captain Marvel ! Un choix étonnant également car il s’agit d’un binôme. Mais Ryan Fleck et Anna Boden ont visiblement l’habitude de coréaliser leurs films, le fait qu’il y ait deux personnes derrière la caméra ne se ressent absolument pas en regardant Captain Marvel. Ce binôme a notamment travaillé sur des épisodes des séries The Big C, The Affair ou Billions, et c’est peut-être pour cela qu’ils ont été choisis par Marvel Studios tant ce film est épisodique, un simple amuse-bouche avant Endgame.
Malheureusement, Captain Marvel est une mignardise qui sent plutôt bon, qui a l’air appétissante mais qui a un gout fadasse… Comme indiqué un peu plus haut, le début de film est très prometteur. Même visuellement, il y a un peu de nouveauté dû à l’environnement inédit, de quoi piquer la curiosité. C’est Ben Davis qui signe la photographie du film, il avait déjà travaillé sur Les Gardiens de la galaxie ou Doctor Strange, et effectivement on retrouve un peu le même « fun » artistique dans Captain Marvel. Du moins, dans les scènes sur la planète Hala ou dans l’espace. Pour le reste (la majorité), le film respecte la charte graphique grisâtre du MCU. Pas spécialement moche, mais ça manque d’ambition.
Et c’est un constat que l’on peut faire sur la réalisation d’une manière générale. Ce n’est pas spécialement moche, mais c’est plat et sans audace. Hormis les quelques scènes d’action qui elles pour le coup sont extrêmement mal filmées. C’est dégueulasse, une shaky cam en plan serré qui rend l’action complétement illisible, un montage archi-cuté… En même temps, c’est peut-être devenu la norme cinématographique suite à l’oscarisation de Bohemian Rapsody ? A part ces 2, 3 scènes d’action, le reste n’est pas particulièrement indigne. C’est plan-plan, sans surprises, ce qui pourrait presque devenir chiant surtout dans un film de 2h04. Mais comme Captain Marvel n’est pas désagréable à regarder, on suit l’enquête sans spécialement ressentir le temps qui passe. Une efficacité assez blasante.
I'm not gonna fight your war. I'm gonna end it.
C’est comme pour la BO par exemple. Globalement, elle est efficace, c’est sûr. En passant du Nirvana, du No doubt, l’effet 90’ est garanti mais c’est un peu facile. On ne ressent pas la grosse recherche pour surprendre le spectateur, il n’y a pas de réelle finesse. Allons à l’essentiel, à l’efficace sans se casser le cul. Cela vaut pour les chansons utilisées dans le film, mais également pour les références visuelles insérées dans Captain Marvel. Nous sommes évidemment loin, très loin du forçage spielbergien dans Ready Player One. Les références sont naturellement plus légères, moins « coup de coude ». Un vidéoclub par-ci, True Lies par-là… Facile.
Par contre, pour rester sur la musique, le thème principal composé par Pinar Toprak (première musique d’un film de super-héros composée par une femme) est intéressant. Je trouve qu’il représente assez bien le parcours de l’héroïne. Ça commence avec un thème à ambiance plutôt militaire, patriotisme etc. symbolisant la première vie de Carol Danvers. Puis, à partir de 00’26’’, les instruments à cordes arrivent et basculent le thème sur des sujets plus sensibles, plus intimes : la quête d’identité. Enfin, la délivrance à 0’46’’, la prise de conscience de ses pouvoirs à 1’00’’ et tout le destin super héroïque à partir de 1’30’’. Et comme dans le film, où en réalité ce qui nous intéresse le plus c’est la suite (Avengers : Endgame), le thème finit sur les quelques notes caractéristiques du personnage à 1’54’’. Bon après, comme d’habitude, ce n’est pas thème très marquant, il est assez oubliable comme le reste. Je vous renvoie à la très bonne vidéo de la non pas moins excellente chaine youtube Every frame is a painting.
De l’efficacité à pas cher. C’est vrai pour la musique, mais depuis quelques temps, cela se vérifie également sur les effets numériques des productions Marvel. Les fans de comics (dont je fais partie hein) se contenteraient-ils de peu ? Parce que globalement, avec Black Panther et Ant-man and the Wasp, le niveau a clairement baissé. C’est mieux dans Captain Marvel mais inégal. Cela va du pire comme les effets sur Goose le chat, au plutôt bon avec Carol Danvers Super Saiyan, à l’impressionnant pour les effets de rajeunissement de Fury et Coulson. Sur cette technique, après les balbutiements plutôt ratés dans Terminator : Renaissance, Disney a clairement cassé le game avec Peter Crushing et Carrie Fisher rajeunis dans Rogue One, Kurt Russell dans Les Gardiens de la Galaxie 2 et maintenant avec Clark Gregg et surtout Samuel L. Jackson pour qui l’effet est le plus crédible. Surtout que la voix de l’acteur a également été modifiée afin qu’elle paraisse plus jeune et ainsi plus cohérente par rapport au personnage, malin.
Retenons l’essentiel : aujourd’hui nous sommes le 13 mars et dans 42 jours c’est Avengers : Endgame !
Bonus acteur : NON
Malus acteur : NON
Paragraphe post-credit n° 1 :
On apprend donc ici que Carol Danvers possède le même talent d’apparition furtive que Batman. Il n’y a personne derrière, personne ne l’entend arriver et pouf ! Elle est là derrière… Bel effet.
Paragraphe post-credit n° 2 :
Une fois de plus dans Captain Marvel, le Tesseract est plus-ou-moins au centre de l’histoire. C’est finalement une pierre d’infinité importante puisqu’elle a déjà été le sujet de l’intrigue de Captain America et du premier Avengers, d’autant plus d’occasion de faire de la merde. Avant Captain Marvel, le voyage du cube cosmique était relativement clair : D’abord à Asgard, le cube est transmis à des fidèles terriens en Norvège. Il tombe entre les mains d’Hydra en 1942 et fait l’objet d’expériences. Tombé au fond de l’océan, le Tesseract est récupéré par le père Stark qui l’étudie à son tour et le remet au SHIELD. Après les événements de Thor, le SHIELD constate que nous ne sommes pas seuls dans l’univers et relance ses recherches. Au passage, Nick Fury ayant combattu des Skrulls et des Kree au côté de Carol Danvers, ils sont déjà censés savoir que nous ne sommes pas seuls… Bref, le cube est ensuite volé par Loki sur Terre, récupéré par Thor, revolé par Loki mais sur Asgard cette fois, et enfin récupéré par Thanos. Bien, dans cette timeline, à quel moment le cube se retrouve en 1995 aux mains de la NASA et de l’US Air Force ? La seule chose que Goose est en droit de régurgiter, c’est son incohérence ! Mic drop.
NOTE TOTALE : 6 étoiles