Dans la veine docu réaliste exploitée, entre autres, par Walter Salles, Hector Bebenco aborde les émeutes de la prison de Carandiru, à Sao Paulo.
Un film puissant,
porté par une multitude de personnages forts, dans la chaleur étouffante des prisons surpeuplées du Brésil, où la vie suit son cours comme ailleurs.
L’histoire, c’est d’abord un regard :
celui du nouveau médecin qui prend ses marques dans le plus gros établissement carcéral de Sao Paulo, avec l’idée d’y enrayer la propagation du sida. Au-delà de ce qu’on s’attend à trouver derrière les barreaux, il est confronté aux histoires des hommes, réelles ou romancées, à la vie bien organisée de chacun. Derrière les murs, la vie ne s’arrête pas pour les prisonniers ; elle continue différemment. Ainsi les jours passent, les semaines défilent, certains voient entrer leur frère, d’autres leur fils. Le travail et les promenades rythment les journées. Et les rires sont aussi nombreux que les tensions.
Puis le scenario se rappelle à la réalité sociale :
les conditions d’incarcération insalubres,
la promiscuité et le danger latent. Dans un bloc, la rébellion éclate. Après un long moment derrière les murs, après l’enfermement, un large plan d’ensemble nous rappelle que le bâtiment pénitentiaire se dresse en plein cœur de la ville, et dit l’impérative nécessité de contenir la menace criminelle. L’intervention policière commence, violente, sanglante, et Hector Babenco joue d’images christiques pour dire le coût non négociable de la vie humaine. Après la répression nazillonne, le chien comme un loup renifle le sang qui se répand dans le couloir, renifle le chat qui ne bouge plus. Les prisonniers, humiliés, nus et pénitents, sont calmés, et bientôt, réintégrés dans leurs cellules.
L’événement est contenu, la vie peut reprendre son cours.
Sur le générique de fin, une version de Brazil résonne. Juste, elle cite l’absurde de nos systèmes.
Inspiré d’événements réels tragiques,
Carandiru, du nom de l’établissement concerné, apparait aujourd’hui comme un cri d’alarme autour des systèmes carcéraux occidentaux, surpeuplés pour la plupart, ou rien n’est fait pour occuper, éduquer ou valoriser les occupants. Des oubliettes à ciel ouvert, dont il est nécessaire de rappeler l’inadaptation à notre humanité.
Assurément un film majeur du cinéma social brésilien.
Matthieu Marsan-Bacheré