Le sommeil d'or
Cemetery of Splendour s’inscrit dans la prolongation de l’œuvre de Weerasethakul. Continuité thématique, on y parle encore de maladie, d’hôpitaux, de croyances religieuses, de confrontation...
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le 31 mai 2015
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Avec la situation politique qui secoue depuis mai 2014 la Thaïlande – un coup d’état ayant transformé le pays en une dictature militaire – Cemetery of Splendour possède le goût déchirant d’un au-revoir. Apichatpong Weerasethakul aime son pays ; il a été le pilier de cette nouvelle vague cinématographique thaïlandaise, mais désormais, il semble désespéré. L’art, dans un régime totalitaire, ne peut pas s’épanouir pareillement. Ce volet 2015 pourrait donc être le dernier film qu’il réalise au cœur de ses terres natales.
C’est comme si, par la force des choses, la filmographie de Joe prenait une dimension supplémentaire – une ligne politique s’insérant discrètement entre la poésie de ses images et les questionnements existentiels qui l’ont toujours fasciné. Mais même quand il s’essaie au social, Joe ne trahit pas son amour du cinéma, et Cemetery of Splendour est une œuvre tout aussi fascinante que ses précédentes. N’y voyons pas non plus un brûlot désinvolte ; il s’agirait plus certainement d’une triste chronique de l’état d’un pays en crise identitaire.
Ce rapport au surnaturel n’aura que rarement été aussi bien dosé. Comme d’habitude chez le thaïlandais, le fantastique apparaît par petites touches, acceptées comme crédibles et logiques par les protagonistes – ce qui semble, dans Cemetery of Splendour, mieux équilibré que jamais, c’est cet émerveillement devant un tableau familier qui, comme en opposition à ces histoires de fantômes, n’a en apparence rien de singulier. Cette sobriété d’effets, illustrée par cette scène inoubliable de visite d’un palais ancestral imaginaire, donne une force évocatrice sans pareil au film de Joe : il ne perd jamais de vue cette magie, cœur de son cinéma et de son style, qui illumine ses films de cette beauté parasite du quotidien.
Cemetery of Splendour est une œuvre sobre. Peut-être la plus sobre de Joe depuis Blissfully Yours, mais elle n’en demeure pas moins un cri de douleur étouffé, un chant du cygne enchanteur et bouleversant, qui ne tombe jamais dans le désespoir ni dans le pitoyable. Au contraire, Cemetery of Splendour est un superbe accomplissement, une balance parfaite de rêve, de tradition et d’engagement. Si c’est un bel et bien un adieu, il est tout simplement magnifique.
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Créée
le 21 sept. 2015
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