On peut s'étonner de la bonne note que j'ai mis à cette adaptation, elles qui m'ont toujours déçues- on se souvient encore avec tristesse de l'échec cuisant de Maléfique (2014), qui lui avait d'ailleurs valu une critique sévère.
J'étais donc prête au pire pour cette nouvelle transposition live d'un classique animé, d'autant que Cendrillon est l'un de mes Disney préférés (de ceux qu'on aime tendrement car ce sont des madeleines de Proust plus que des chefs d'oeuvres). Je suis donc allée au cinéma à reculons, trainée par mes amies, qui l'avaient choisi. Je n'avais même pas regardé la bande-annonce, tant j'étais sûre par avance de ce que j'allais penser de ce film en sortant de la salle : plat, sans intérêt, niais, mal remis au goût du jour, peut-être même grotesque (les costumes de princesse vont rarement aux comédiennes adultes et rendent souvent le film peu crédible et presque burlesque, ce qui est toujours malaisant), trahissant enfin forcément le conte de Perrault et mes souvenirs d'enfants.
Il faut pourtant être prêt à être contredit là où on s'y attend le moins et à apprendre à ne pas juger sur pièce car tout compte fait, le résultat n'était pas du tout mauvais.
Il faut ici saluer le travail de réalisateur de Kenneth Branagh, qui ne nous avait pas complètement satisfait avec les châteaux d'Asgard dans Thor mais qui parvient finalement à convaincre ici, alors même que le projet pouvait être jugé glissant.
Le scénario respecte l'histoire de Perrault, celle d'une petite fille chérie par sa famille, qu'on force à devenir souillon à la mort de ses parents et qui se fera princesse : c'est assez rare dans le monde des adapatations et le fait de reconnaître au conte une forme d'universalité qui n'a pas besoin de réactualisations (forcément maladroites, et qui vieillissent toujours mal) est la véritable nouveauté qu'apporte ce film.
Les premiers plans, sans prétentions, pleins d'une chaleur printanière qui pourrait faire penser à Bright Star, donnent le ton au film, et font la recette de la réussite de cette adatation : il s'agit bien d'un conte de fée, et le réalisateur l'accepte, sans le surjouer. Sa caméra est sincère, simple et lumineuse. Le merveilleux, comme dans tout conte de fée, est présent naturellement, et les incrustations numériques ne choquent pas le spectateur, qui remarque par contre avec enchantement tout les détails de la maison de Cendrillon, habiles clins d'oeil au dessin animé qui apportent cette délicieuse sensation d'intemporalité propre aux récits imaginaires.
Un soin tout particulier a été apporté aux décors en extérieur, et aux magnifiques costumes, qui ne ridiculisent jamais les comédien-e-s : on n'a jamais cette impression désagréable de les regarder évoluer dans un décor en carton pâte ou devant un fond vert. Les acteurs sont étonnement bons, sans doute portés par cet univers enchanteur : Cate Blanchett, en marâtre, réussit la prouesse de ne pas surjouer la méchante et de donner de la profondeur à son personnage, ce qui le rend moins manichéen et donc plus intéressant. Anastasie (Holliday Grainger) et Javotte (Sophie McShera <3 ) sont parfaites dans leurs rôles de pestes, et Lily James (encore un casting Downtown Abbey) incarne une Cendrillon tout à fait classique, douce, courageuse et tendre, parfois à la limite de la niaiserie, en tout cas loin des standards hollywoodiens, et finalement très british. Reste Helena Bonham Carter, narratrice et bonne fée : son apparition est peut-être étonnement celle qui m'a le plus déçue, probablement parce que je suis un peu fatiguée de son éternel rôle de dingue de service, et que j'aurai aimé la voir jouer quelque chose de différent ici.
Un bon film donc, que je me suis même trouvée à recommander (!) : à regarder sous une couette, avec un chocolat chaud ou une tisane, les soirs d'angine, ou avec des enfants (spoiler alert : iels adoreront). +1 aussi pour le jeu de mot (dans la version anglaise) entre Ella (le nom de Cendrillon) et Cinder-ella : une bonne trouvaille, qui justifie cette terrible scène d'humilition familiale illustrant bien comme l'asservissement n'est possible que par l'objectivisation de la personne mise en esclavage. Une bonne leçon, dans tout les sens du terme !