Conclusion de La Trilogie Marseillaise créée par Marcel Pagnol, César reste une exception puisqu'il est le seul film du triptyque à être mis en scène par Pagnol lui-même. Ce dernier s'étant fait la main sur pas moins de six longs-métrages (dont Angèle et Topaze) en l'espace de trois années, il se sent fin prêt à achever par lui-même la trilogie qui l'a rendu riche et célèbre.
L'action se déroule 20 ans après Fanny, l'œuvre la plus mélodramatique du triptyque et artistiquement la moins réussie, et débute avec l'inoubliable et hilarante confession de Panisse sur son lit de mort. Si cette scène avait été coupée lors du premier montage pour mieux se focaliser sur le personnage de Césariot, le fils de Fanny et de Marius qui croit toujours que Panisse est son père, elle fut finalement intégrée à la version d'après-guerre et reste certainement l'introduction la plus efficace et la plus amusante de la trilogie.
En matière de mise en scène, César est également le plus efficient. Pagnol affichant un plaisir sans artifice à diriger ses acteurs et à tourner un maximum de scènes en extérieur, son film s'éloigne considérablement du théâtre filmé qui imprégnait Marius et Fanny. En matière d'écriture, c'est également l'œuvre la plus profonde de la saga marseillaise. Les mythiques et amusantes répliques de Marius (souvent considéré, à tort, comme le meilleur film du triptyque) laisse ainsi place à un humour tout aussi efficace mais également plus mature, moins superficiel et bien plus empli d'humanité. Les bons mots se métamorphosent ici en grâce absolue, dépeignant un humanisme universel, une bienveillance peu commune au sein d'une comédie qui s'apparente finalement à une tragédie antique et à une forme de vérité sans équivoque sur la beauté de la simplicité, de la routine quotidienne et de l'amour fou qui unit deux êtres durant toute une vie (Gilles Lellouche devrait par ailleurs réviser ses classiques au lieu de manipuler son monde avec la relation ultra toxique qu'il fait passer pour du romantisme dans son Amour soi-disant Ouf).
Mais au-delà de cette sublime passion amoureuse, Pagnol aborde le thème de la filiation avec une rare pertinence. Et si le personnage de César, transcendé par l'interprétation de Raimu, perdait un peu de son prestige dans Fanny pour valoriser le drame sentimental, il retrouve ici sa place de patriarche, armé de sa simple bonhommie et où la bonté du cœur s'emploie à tous les personnages avec leurs maladresses mais sans une once d'ironie ou de vilenie. À travers plusieurs portraits individuels, Pagnol nous parle simplement d'humanité, de la difficulté à trouver sa juste place, d'aimer et d'être parents. Des thèmes autant universels que contemporains sans le fléau actuel de l'apparence et du paraître. Et ça fait un bien fou. Merci, monsieur Pagnol.