Le cinéma de Benchetrit est singulier et suscite aussi bien l'engouement que la détestation. Il clive assurément et c'est aussi le filon et le fonds de commerce de l'écrivain/cinéaste. Après Chien, essai radical, Cette musique ne joue pour personne semble plus aimable mais fidèle à la manière de son auteur qui, plutôt de raconter une histoire en bonne et due forme, préfère en amalgamer plusieurs, minuscules, à l'intérêt forcément inégal. Difficile en tous cas de qualifier de comédie un film qui manie l'absurde avec une certaine componction, sans y ajouter d'euphorie mais plutôt une mélancolie stagnante et une sorte de romantisme fané. Tout dépend de l'humeur du spectateur, qui peut aussi bien apprécier ces divagations poétiques près de la mer du Nord ou juger que ce ne sont que élucubrations d'un intellectuel qui se la joue populaire. A une ou deux exceptions près, les personnages de Cette musique... ne présentent qu'un intérêt relatif et la prédominance du masculin sur le féminin est un peu gênante, Paradis et Bruni Tedeschi n'ayant pas beaucoup d'espace pour s'exprimer (surtout la seconde). Le casting est pourtant éblouissant avec sa galerie de gueules du cinéma français (et belge) mais en fin de compte, de part la dissolution du film dans plusieurs intrigues, aucune prestation ne sort du lot malgré le talent indiscutable de chacun des protagonistes. La petite musique du film aura ses adeptes mais rien n'est vraiment consistant dans cet envers du Nord, qui n'a pas la puissance dramatique et épique d'un bon vieux Paris-Roubaix cycliste.