Quel casting. Quelle simplicité dans cette mise en scène d'un quotidien à la fois si proche et si loin. Quelle tristesse dans ces regards. Quelle langueur pudique.
Mais que d'intentions !
Des intentions lointaines au début car tout démarre comme un film chorale aux accents ubuesques. Une réunion de poètes qui débouche sur un passage à tabac. Un homme armé d'une hache derrière la baie vitrée d'une maison en pleine banlieue pavillonnaire, un regard désabusé désamorçant immédiatement une situation qui aurait pu se vouloir terrifiante. Une jeune fille étranglée dans sa chambre par deux quinquas aussi persuasifs que déconnectés de la violence qu'ils incarnent, pour une histoire de fête. Une femme qui se rêve Simone de Beauvoir à n'importe quel prix.
Gustave Kerven, Joeystarr, Bouli Lanners, François Damiens, Ramzy Bedia et Vanessa Paradis. Tout ce petit monde s'active de son côté dans une chorale de gens normaux aux profils atypiques. Ils sont amis et les liens qui les unissent se découvrent au fur et à mesure de leur volonté. Le décor est celui de n'importe où. Chacun pourrait être n'importe qui. Certains tentent d'en effrayer d'autres, d'autres tentent d'en séduire certains, mais tous semblent fatigués. Chacun regrette surement le temps où ils rêvaient d'être des gangsters. La jeunesse les bouscule mais ils sont toujours là. Le temps les accule mais les coups qu'ils voudraient rendre se perdent dans les vents côtiers.
Samuel Benchetrit filme avec humour et tendresse une bande organisée sur le déclin, un groupe de quinquagénaires paumés désireux de rester dans le coup par tous les moyens. Chacun a son objectif, comme un nouvel élan, une revanche à prendre, un tournant de douceur dans un monde de brutes et chacun se donne pour y parvenir, peut-être pas forcément de la meilleure des manières. Derrière les actes et sur les traits tirés des personnages se dessinent une immense détresse filmée avec une tendresse absolue. Et Valéria Bruni-Tedeschi, composante muette de cette musique en sera le parfait exemple dans les dernières minutes.
Il y a quelque chose de figé depuis bien trop longtemps dans cette musique qui ne joue pour personne. Une sensation que le monde avance et tant pis pour ceux qui se sont arrêtés, qui se sont retrouvés prisonniers d'eux mêmes et de la vie qu'ils se sont choisis. Il y a une machine à relancer, un sac poubelle prisonnier d'une armature métallique saillante à décrocher pour qu'il puisse reprendre sa course. Il y a ces mains qui peuvent vous aider, cette voix qui peut vous donner la chance d'incarner le rôle qui recollera vos rêves brisés. Il y a de l'espoir et de l'entraide dans cette chorale de gens paumés, une sensation qui me fait dire que, si jamais je suis perdu, je ne m'inquiète pas, tu sais où me trouver.