« I'm consciousness. I'm alive. I'm Chappie. » CHAPPIE

Drôle de trajectoire que celle de Neill Blomkamp, nouvel espoir du cinéma d’anticipation par la grâce d’un beau premier film, District 9. Fabriqué avec des bouts de ficelle et un sens du marketing redoutable, ce galop d’essai en forme de documentaire réveillait le genre de la science-fiction tombé quelque peu en désuétude, auquel il redonnait toute sa dimension spectaculaire et politique. La suite de l’histoire fut plus compliquée. Débarqué à Hollywood, Neill Blomkamp trébucha aux commandes du projet ambitieux Elysium qui, tout en restant fidèle à l’univers balisé par le cinéaste, accusait une sérieuse crise d’inspiration.

Visiblement échaudé par sa première expérience hollywoodienne, Neill Blomkamp tente ici un retour aux sources, à une science-fiction bricolée et brutale dans les bas-fonds de Johannesburg, décors d’une fragile révolution technologique. Dans un futur proche, le film imagine une société sud-africaine en proie à une criminalité grimpante, contre laquelle la police se dote de nouvelles armes, des robots fabriqués à la chaîne. Les problèmes surviennent lorsqu’un ingénieur invente une machine plus sophistiquée, enrichie d’une conscience : soit Chappie, humanoïde ultime qui finira par tomber dans les mains de vilains gangsters.

Neill Blomkamp et sa femme Terri Tatchell écrivent le scénario puisant leur inspiration aux sources vives de la science-fiction. Ils délaissent les habituelles paraboles politiques au profit d’une fable existentielle, surfant sur la problématique du transhumanisme. Le film prend à rebours plus d’un demi-siècle d’anticipation et rêve d’une utopie robotique, où l’humanité serait complètement déliée des chairs, et les consciences réduites à de simples clés USB.

Chappie sort en 2015, et en y regardant de plus près, on s’aperçoit que Neill Blomkamp et Terri Tatchell adaptent le court-métrage Tetra Vaal de Neill Blomkamp sortie en 2004.

Les machines dotées d’une conscience ont jalonné l’histoire du cinéma. Miroirs imparfaits de l’âme humaine, ces créations soudain capables de raisonnements ont cette capacité de nous émouvoir par leur inaltérable envie de ressembler à leurs créateurs, qui le plus souvent ne peuvent s’empêcher de continuer à les traiter comme des objets. Depuis les romans de Isaac Asimov notamment, la robotique a permis à la science-fiction d’allier la fascination que suscitent les définitions impossibles des concepts de vie et de mort, à cette envie enfantine de discerner dans les objets un esprit qui les émanciperait de leur simple utilité. Pourtant, malgré ce terrain aussi fertile, le film se contente quelques fois de dérouler mécaniquement les péripéties attendues d’un blockbuster.

L’essentiel du film réside au sein de la relation qu’entretient Chappie avec le reste du monde. Principalement avec Ninja et Yolandi, deux petites frappes qui font la découverte de Chappie après avoir enlevé Deon pour le forcer à éteindre l’ensemble des robots policiers. Deux personnages que campent les membres du groupe sud-africain Die Antwoord, et créés à la base pour leur propre projet musical. Ainsi la réalité se greffe un peu plus à l’œuvre qui utilise leurs morceaux en accompagnement et leurs graffitis pour illustrer les murs des décors. Les deux énergumènes, volontairement sur-joués et caricaturés par Watkin Tudor Jones et Yolandi Visser gardent même leur pseudonyme dans le film. Ils adoptent la machine comme un enfant et décident de l’élever, chacun à sa manière. Ils forment avec son créateur, Deon, efficace Dev Patel, une famille atypique.

Dans cette ambiance de clip, les personnages évoluent dans un univers qui semble uniquement destiné à servir l’esthétique des Die Antwoord. Cela constitue ainsi le théâtre de la quête initiatique de Chappie, aimer maman, obéir à papa, chérir l’existence de son créateur au péril de sa propre vie, et à punir (littéralement) le méchant. La fameuse question de sa mortalité sera évacuée au détour d’une astuce scénaristique qui vise avant tout à ne pas aborder le sujet.

Les pourtant très bon Sigourney Weaver et Hugh Jackman, coiffé de sa plus belle coupe mulet, sont relayés au ring de simple invité dans le long-métrage. Car tout l’intérêt du scénario, et le retournement du film, résident dans sa façon d’aborder la notion de conscience. Dans un premier temps dans l’éducation de Chappie, puis comme moyen de tendre vers la vie éternelle, tout en relevant des questionnements sur le corps humain.

Chappie aura face à lui un robot policier commandé directement par un être humain et dont l’aspect est tout simplement un copier / coller du ED-205 de Robocop de Paul Verhoeven. Avec un tel manque d’imagination dès la caractérisation des personnages, les possibilités se trouvent déjà forcément réduites. Sur la violence, Paul Verhoeven ne se dégonflait pas, l’utilisant comme moteur d’une satire attaquant de front les valeurs sécuritaires américaines. Mais pas de dimension politique ici. Ployant sous le manichéisme, la violence de Chappie n’est pas assumée, car jamais regardée en face et constamment relativisée. Que reste-t-il alors, la magie de l’incarnation ? Elle demeure malheureusement cantonnée à la réussite des effets spéciaux. Il faut reconnaître que les mouvements de Chappie sont techniquement très convaincants, mais cette réussite est annulée par le choix de mimer au plus près le comportement d’un véritable être humain.

C’est Sharlto Copley qui prête sa voix et ses mouvements au personnage de Chappie.

Neill Blomkamp a avoué avoir été grandement inspiré par le robot du manga Appurushīdo de Masamune Shirow pour réaliser le design du robot de son court-métrage Tetra Vaal et ensuite celui de Chappie.

En revenant à quelque chose de plus simple comme à ses débuts, Neill Blomkamp prouve que District 9 n’était pas qu’un coup de chance. Le paradoxe créé entre un sujet de science-fiction et l’approche réaliste du réalisateur est toujours aussi intéressante. Malgré des passages un peu niaiseux et quelques incohérences scénaristiques, avec son sujet riche et de l’action toujours aussi efficace chez le réalisateur, l’ensemble de Chappie est une réussite.

StevenBen
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Neill Blomkamp

Créée

le 6 août 2023

Critique lue 8 fois

Steven Benard

Écrit par

Critique lue 8 fois

D'autres avis sur Chappie

Chappie
Behind_the_Mask
9

Un coeur dans la machine

A la sortie du film, on se surprend à essuyer quelques larmes et à faire un pas en arrière pour contempler l'oeuvre de Neill Blomkamp afin de constater à quel point sa trilogie District 9 / Elysium /...

le 7 mars 2015

98 j'aime

14

Chappie
Vivienn
5

A.I.

Neill Blomkamp est un réalisateur très intéressant. Alors que la science-fiction grand-spectacle au cinéma semble plus formatée que jamais, il est l’un des rares à s’essayer à la construction d’un...

le 5 mars 2015

49 j'aime

8

Chappie
KingRabbit
3

Wesh les mecs qui ont fait ça sont flingués de ouf ds leur tête ta vu

Honnêtement j'y suis allé parce que le titre me faisait marrer comme un con. "Chappie". Et je n'ai pas été déçu, le film est hilarant. En gros Chappie au départ, ça m'a rappelé mon chat...

le 9 mars 2015

30 j'aime

10

Du même critique

L'Initiation - Dragon Ball, tome 3
StevenBen
7

« Si tu veux un conseil, n’utilise pas toute ta force… » SANGOKU

Comme la majorité des jeunes français, j’ai connu Dragon Ball le 02 mars 1988 sur TF1, dans le Club Dorothée. J’étais loin de me douter que ce dessin animé était l’adaptation d’une bande dessinée,...

le 18 oct. 2022

2 j'aime

3

Kaméhaméha - Dragon Ball, tome 2
StevenBen
7

« Il m’avait dit de ne pas la regarder mais je l’ai fait quand même ! » SANGOKU 

Comme la majorité des jeunes français, j’ai connu Dragon Ball le 02 mars 1988 sur TF1, dans le Club Dorothée. J’étais loin de me douter que ce dessin animé était l’adaptation d’une bande dessinée,...

le 17 oct. 2022

2 j'aime

3