Quand on se renseigne sur Jack Clayton, on tombe souvent sur la même descriptions : réalisateur spécialisé dans les adaptations cinématographiques d’œuvres littéraires. Ainsi sa longue mais peu intense carrière verra entre autres naître deux films majeurs : Les Innocents, en 1961, et la première adaptation de Gatsby le Magnifique avec Robert Redford en 1974. Chaque soir à neuf heures (Our Mother's House en VO) est la transposition sur écran d'un roman de Julian Gloag, racontant comment sept gamins tentent de survivre après la mort de leur mère malade, qu'ils vont garder secrète aux yeux du monde. La seule tête connue du casting est celle de Dirk Bogarde, qui avait d'ailleurs été au centre de la distribution du film au moment de sa sortie, et ce malgré la présence de quelques acteurs plus ou moins célèbres au sein de la fratrie : Pamela Franklin, Mark Lester et Phoebe Nicholls.
Malgré sa violence psychologique et même parfois, physique, Chaque soir à neuf heures est un film très sobre. Clayton filme sans jugement le quotidien de ses personnages, évitant les effets trop appuyés - ainsi Chaque soir à neuf heures évite constamment le tire-larme ou les effets chocs qui auraient sans doute nuit à sa force. Mais ce qui frappe encore plus que la mise en scène objective de Clayton, c'est la qualité du casting : c'est bien simple, on a rarement vu un casting d'enfants aussi réussi et aussi magnifique dans toute l'histoire du cinéma. Malgré leur grand nombre, la direction d'acteurs impressionnante parvient à créer de l'attachement pour chacun d'entre eux. On pense bien sur à Nobody Knows de Kore-eda, tant le sujet du film et la performance des acteurs lie ces deux productions pourtant opposées géographiquement et temporellement, mais Chaque soir à neuf heures semble pointer d'autres thèmes, celui de l'opposition de deux mondes (celui des adultes et celui de l'enfance), celui du rôle de mère, sans oublier des aspects qui rappellent directement Sa Majesté des Mouches de William Golding.
Si la première partie du film, complètement bouleversante, est plus forte que la deuxième, plus convenue et qui manque parfois de puissance, le fabuleux final du film parachève ce qui est l'une des plus grandes injustices qui puisse exister au cinéma. Injustice ? Oui, car Chaque soir à neuf heures n'a pas la réputation qu'il mérite, aujourd'hui quasiment introuvable, jamais édité en DVD, et invraisemblablement considéré comme mineur dans la filmographie de son réalisateur, il ne fait pourtant nul doute que l'on a affaire à un grand film. À un grand film inconnu, certes, mais à un grand film.
Un peu comme la fabuleuse bande-originale de Georges Delerue composée pour le film, Chaque soir à neuf heures c'est classique, sobre, touchant, mais jamais mièvre ou envahissant. Les émotions glissent lentement vers le spectateur, c'est beau et c'est souvent à pleurer, mais c'est surtout un plaisir non dissimulé de voir des jeunes acteurs aussi bien dirigés pour un drame des plus recommandables. À découvrir et à redécouvrir.