A la différence des polars "néo-noirs" reprenant les codes du film noir mais situés dans la période moderne, "Chinatown" se situe bien dans le Los Angeles de la fin des années 30, comme les classiques du genre. Et comme le laissent entendre son générique avec sa police rétro, ou la première réplique du film portant sur des persiennes "installées le matin même", Polanski accueille ce genre à bras ouvert !
On s'intéresse ainsi à un détective privé, engagé pour une banale affaire d'adultère, qui va mettre le doigt dans une conspiration autour des réserves d'eau de Los Angeles. Un scénario excellentissime, d'ailleurs largement salué par la profession, qui dévoile petit à petit une machination et des personnages troubles... tout en demeurant parfaitement compréhensible, ce qui n'est pas toujours le cas dans les films noirs... Tout va ainsi se dénouer dans un tourbillon qui deviendra de plus en plus sombre, jusqu'à un final d'une noirceur sans pareil.
Jack Nicholson est impeccable dans ce rôle de détective nonchalant au passé chargé, et dont les quelques valeurs morales vont être exacerbées par l'affaire. Outre Faye Dunaway en femme fatale classieuse, il y a l'idée géniale d'avoir embauché John Huston, qui a lui-même posé les bases du film noir, et qui incarne ici un homme d'affaire des plus nauséabonds.
Visuellement, Roman Polanski nous délecte. Si le réalisateur joue avec les ombres et quelques scènes nocturnes, "Chinatown" est bien souvent filmé sous une lumière éclatante, parfois crépusculaire, pour évoquer l'aspect désertique de Los Angeles. Mais aussi le fait que la vérité est sous nos yeux, et qu'il suffit de fouiller un peu pour la dénicher. Tout ceci à travers des compositions parfaitement découpées, avec plans somptueux et scènes mémorables à la clé, et une BO sobre mais inquiétante de Jerry Goldsmith.
"Chinatown" est en résumé un très bel hommage, qui se hisse sans mal (voire surpasse) les classique du genre.