En pleine guerre civile, Lee, photojournaliste émérite, et son collègue Joel, se lancent sur les routes meurtries des États-Unis. Leur objectif ; couvrir la capitulation du président américain.
Ce voyage jusqu’à Washington DC prend des allures de road movie. Les paysages de liberté sans fin sont brûlés et jonchés de charniers. Les rencontres se transforment en combats, les « diners » et autres motels en camps de réfugiés. Ce genre cinématographique, propre à l’univers nord-américain, est souvent mis en scène dans un contexte de rupture. Ici, l’absence de réels enjeux politiques, voulue par le réalisateur, fait de ces conflits internes un simple décor pour le film, un simple support de travail pour les personnages.
Road movie car Civil War est avant tout une initiation, celle de Jessie en tant que photojournaliste, qui prend la route du front pour la première fois.
Ces routes, Garland n’hésite pas à les mettre en scène, les jalonnant de rencontres, de dangers et d’incertitudes. Ainsi, comme le veut la tradition du road movie, ce n’est pas tant la destination qui compte, mais le voyage. À ce titre, le réalisateur utilise davantage les techniques du clip vidéo, mouvantes, que celles de la photographie, inertes.
Les vues aériennes suivent la voiture des journalistes, estampillée du mot « presse » brandis comme un bouclier. Les chansons, qui ponctuent le film par intermittences étranges, cernent difficilement l’ambiance dépeinte par le film. Associées aux nombreux ralentis mis en scène, elles contribuent à cet effet clip, au détriment de la photographie.
La route a beau être marquée par de nombreux clichés, la mise en scène de Garland y rend finalement très peu hommage. Lorsque ces arrêts sur image apparaissent, ils laissent le spectateur vaguement pensif durant la demie seconde que le sens moral exige, mais ne cherchent pas à approfondir cette pensée, passive et coupable.
Alex Garland point-il trop de sujets en même temps ? Ou cherche-t-il à mettre en scène un témoignage impartial et brut, à l’image d’un photojournaliste impassible derrière son appareil photo ?
Civil War reste malgré tout spectaculaire dans la mise en scène de ces luttes intestines. La société américaine divisée a ici éclaté. Alors, à la question posée par l’effrayant Jesse Plemons, « quel genre d’Américain vous êtes ? » Alex Garland oscille entre l’autodestruction purement américaine et la violente sauvegarde d’un idéalisme libertaire comme réponse.
La scène finale, de longue haleine, réunit tout le potentiel de Civil War. Un assaut qui fait largement écho à l’histoire récente, rythmé par des clichés poignants pris sur le vif, allant jusqu’à montrer la relève silencieuse et anonyme qui s’opère derrière un appareil photo. KLM