Une belle découverte que ce film d'Agnès Varda à l'occasion d'une séance de ce fameux cinéma de quartier, le Pierrot Blanc, réouvert par les bons soins de Gérard …
Je ne connais guère Agnès Varda à part son remarquable "Sans toit ni loi". À travers "Cleo de 5 à 7", je découvre ainsi tout un pan de sa vie à ses débuts au cinéma dans les années 60, où elle s'était impliquée dans "la Nouvelle vague".
Ce film tourné en 1962 évoque le destin d'une jeune chanteuse à succès, belle et frivole, qui attend pendant une heure et demie le résultat d'une analyse susceptible de lui annoncer une grave maladie et la fin possible d'une vie insouciante et égoïste.
Le film est construit sur 13 périodes précisément minutées pendant cette heure et demie où Cleo va passer par différents états d'âme avant de se prendre en main.
D'une peur panique après les révélations d'une cartomancienne à un cabotinage vain et narcissique en présence de sa gouvernante et de ses musiciens et paroliers (Michel Legrand et Serge Korber), elle se "dévoile" dans un instant sublime lorsqu'elle chante "Sans toi" qui lui fait apparaître toute la futilité de sa vie appuyée sur sa seule beauté qui peut disparaître au profit de sa mort.
Le film entre dans une deuxième période qui est la révolte de Cléo jusqu'à la rencontre fortuite du soldat dont la permission s'achève dans quelques heures pour partir vers une guerre d'Algérie où il est "bien triste de donner sa vie à la guerre" et où "il aurait préféré mourir d'amour". La révolte chez Cléo se mue alors tranquillement en un passage à l'âge adulte.
J'adore cette discussion apaisée entre Cléo et Antoine sur des sujets graves traités avec une grande sérénité teintée d'un respectueux humour entre deux êtres qui, soudain, se comprennent et se rassurent l'un, l'autre.
La mise en scène me semble avoir toute son importance dans ce film.
Au début, Varda filme avec une caméra très mobile, dans de longs plans séquence, que ce soit dans les étroites rues de Paris encombrées où on croise des gens indifférents ou inutilement curieux ou encore dans le bistrot où les conversations se croisent et s'opposent.
Au point d'orgue du film, lors de la chanson "sans toi", la caméra se calme soudain dans un mouvement tournant autour de Cléo, s'attardant sur son visage, avec un orchestre se substituant peu à peu au piano de Michel Legrand. Magique.
A la fin, la caméra accompagne avec douceur la balade de Cléo et Antoine dans le parc Montsouris puis dans le bus parisien pour finir dans les jardins de la Salpêtrière.
Côté distribution, le rôle de Cléo est tenu par Corinne Marchand dont j'ai beaucoup aimé le jeu plein de finesse et d'émotion et la transformation progressive de son personnage.
"Cléo de 5 à 7" est un film comprenant de nombreux tiroirs qu'il faut voir et revoir car je pressens une bien plus grande richesse que ce dont j'ai parlé, en particulier avec les nombreuses affiches insistantes de Manet et de peintres surréalistes ou certaines métaphores liées à la peinture. Par contre, je n'ai guère vu d'intérêt au court-métrage burlesque (avec Godard comme acteur) au milieu du film.
Un beau film !