Une troupe de danseurs se prépare à effectuer une tournée aux Etats-Unis. Dans une salle des fêtes perdue au milieu de la forêt, ils effectuent leur dernière répétition. La fête bat son plein depuis un moment lorsqu'ils se rendent compte que la sangria a été droguée avant le début de la soirée. Descente aux enfers pour certains, stimulant aphrodisiaque pour d'autres, chacun des personnages fera une expérience unique ce soir là.
Pour son retour à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs aura le mérite de déstabiliser, si ce ne sont des amateurs, les spectateurs néophytes qui découvrent le cinéma de Gaspar Noé. Le film s'ouvre sur un personnage au comportement qui s'apparente à celui d'un mort vivant, dans la neige, en vue zénithale. Très esthétique. Puis le film se referme, avec un message du réalisateur sur le film que nous avons vu, et un générique. Léger effet de surprise puis le film redémarre avec une interviews des danseurs/acteurs que le film nous propose de suivre. La musique démarre et la caméra ne s'arrêtera plus avant la fin de la représentation. Un plan séquence dont le seul réel intérêt est la chorégraphie. La caméra n'a pas réellement de travail et le plan fixe de face ou du dessus sert simplement à garder les danseurs en action dans le centre du cadre, et ceux qui attendent leur tour, sur les côtés.
Toujours sans stopper le film, Noé lance un nouveau générique, comme si le show se clôturait finalement réellement et que le film allait réellement commencer. A première vue, il est réellement intriguant de se voir couper le film en séquences telles. D'autant que le film résultant a l'air en équilibre instable entre continuité et séquençage. Cette dernière coupe a cependant l'effet d'un point de non retour pour le spectateur, qui pourra alors choisir, à la sortie en VOD du film, de s'arrêter là, sans dépasser les portes de l'enfer. L'enfer qui attend les personnages, après l'excitation du spectacle et l'abîme de la nuit.
Le spectateur suit principalement le parcours de Salva, la chorégraphe du groupe, mais aussi de quelques autres danseurs. Tous ne visiteront pas les abysses et certains atteindront effectivement l'extase. Le film joue surtout autour du plan séquence et de cet oeil spectateur qui va suivre les uns après les autres les personnages qui l'approchent, perdant parfois la vue sur certains qui disparaissent mystérieusement au fil de la soirée. Les couleurs sont extrêmement marquées, notamment dans le couloir principal, par le rouge du sang, comme la sangria, comme le feu, et même la salle de répétition elle-même. Le cinéma néon donne parfois un aspect "sale" à l'image notamment quand Salva se perd.
Le film a l'air de fonctionner comme un hommage à la culture cinématographique qui a éduquée Noé, entre les films d'épouvante et les "giallos" et s'il impressionne par son art, il s'essouffle quelque peu par son scénario trop pauvre. On comprend cela dit rapidement l'intérêt de couper le film en séquences et le tournage en seulement 15 jours car le film n'aurait pas tenu 90 minutes s'il avait été uniquement constitué de sa partie scénarisée. Les discussions sont assez futiles, filmées sans saveur, et les rares sujets intéressants ne sont qu'effleurées par le réalisateur délaissant une réelle profondeur (drogue, racisme, homosexualité, tout est évoqué, jamais élaboré).
Pas incontournable pour le cinéma français.