Ce film m'apparaît comme un parti pris. C'est une sorte d'anti-tarantino, une ode à l’hyperréalisme qui affiche d'évidentes ambitions esthétiques mais qui peine durement à se rendre intéressante.

Pourtant tout n'est pas à jeter, bien au contraire. Je pense qu'avoir traité des affaires du Milieu au niveau de l'humain est une excellente chose parce qu'il y en a marre de cette mode ridicule du criminel "cool", tueur psychopathe et invincibles, omnipotents, nantis d'une classe incroyable à la punchline facile. Ici on ne voit qu'une suite de pauvres mecs avec des états d'âme d'humain moyen, désenchantés et cyniques autour desquels il ne se passe pas grand chose de fabuleux. Il faut bien le dire, le réel est plus proche de ce qu'on peut voir dans ce film que dans d'autres oeuvres remplis d'explosions spectaculaires et de fusillades dignes du Chemin des Dames. Le problème avec ça c'est que rapidement cela devient lourdement chiant tant tout est vide d'intérêt. On comprend bien que deux pauvres types paumés ne vont pas débattre de l'être et du néant avec Plotin sur les genoux, mais leurs balivernes lubriques on s'en cogne tellement fermement qu'il est bien difficile de ne pas se lever pour aller faire la vaisselle ou se fourrager les poils du nez. Il y a pourtant là aussi de bonnes idées sur la situation sociale d'un des personnages qui est en quelque sorte un laissé pour compte du modèle américain. On pouvait créer autour de cette thématique un fil conducteur bien plus fort que les extraits des discours présidentiels qui jalonnent le film pour arriver à l'acmé libératrice qui tient dans une réplique de Brad Pitt dans laquelle il nous lance que l'Amérique n'est pas une Nation et que tout tient sur le fric. C'est un peu léger et on a vraiment l'impression que les longues minutes d'attente que l'on vient de s'infliger ne sont là que pour mettre cette fulgurance à l'écran. C'est tout de même assez désagréable d'en arriver là avec tout ce qu'il y avait comme possibilités...

Le film est donc lent, mais il est aussi assez décousu voir brouillon, alternant des scènes d'une longueur aussi invraisemblables que creuses avec d'autres bien plus riches et souvent expédiés en quelques secondes. Je comprends bien que cela permet aussi de coller avec un certain réalisme mais cela n'aide pas tellement à faire remonter l'intérêt du spectateur. De même il vaut mieux oublier toute idée d'atmosphère, les choses se contentent d'être, les personnages de respirer et c'est tout. Leur personnalité n'existe tout simplement pas et c'est dommage parce qu'on a de très bonne scènes décrivant l'angoisse et la terreur qui auraient gagné en puissance si elles avaient été complétées par un approfondissement de leur "moi" intérieur.

Mon constat est donc d'un ratage alors que l'idée de base allait sans doute dans un sens intéressant pour ce type de film.
Flavius_Constan
5
Écrit par

Créée

le 1 déc. 2013

Critique lue 245 fois

1 j'aime

Critique lue 245 fois

1

D'autres avis sur Cogan : Killing Them Softly

Cogan : Killing Them Softly
RobertJohnson
7

Les Hommes d'affaires des 80's avaient rendu le Super Vilain Mégalomane de cinéma obsolète...

..., Le liberalisme économique du 21e siècle a eu la peau du Gangster. Non mais qu'est-ce que vous avez tous à chier sur ce film? L'image misérabiliste et crépusculaire qu'il donne des gangsters...

le 9 déc. 2012

46 j'aime

2

Cogan : Killing Them Softly
guyness
7

Street fighting man

Rain dogs Non, parce que vous comprenez, maintenant, un film, faut qu’il soit parfait : ni creux (je ne reviens pas sur la critique de Killer Joe d’un éclaireur apprécié qui me fait encore...

le 4 mars 2013

34 j'aime

17

Cogan : Killing Them Softly
Dalecooper
8

Lent. Bavard. Superbe!!

A contre-courant des modes et des attentes, le polar d'Andrew Dominik a été fraîchement accueillie. Pas facile à appréhender, lent, bavard, peuplé par des personnages antipathiques, idiots,...

le 23 févr. 2013

28 j'aime

Du même critique

Claymore
Flavius_Constan
8

Manger des intestins, avec quelques légers spoiler

C'est tout à fait par hasard que j'ai découvert cet animé en passant en revu, l'oeil mis clôt, une liste interminable d'oeuvres manga. En lisant le synopsis je me suis dit que voir des nanas avec des...

le 1 nov. 2013

14 j'aime

Jurassic Park
Flavius_Constan
10

Un classique et en plus il y a des dinosaures (spoiler)

En 1993, encore tout gamin et passionné de dinosaures j'eus le plaisir de voir surgir sur les panneaux du cinéma de mon quartier, une affiche noire où s'étirait sur fond rouge l'inquiétante et...

le 23 août 2013

10 j'aime

5

Daria
Flavius_Constan
9

Dans tes dents!

Quelques traits épais, une animation minimaliste : il n'est guère besoin d'ajouter des fioritures quand on a du talent. Daria c'est une chronique sociale désenchantée qui piétine le rêve américain et...

le 6 oct. 2013

9 j'aime