La scène d'ouverture de Colorful est une pépite de mise en scène. Une âme, fraîchement décédée, se retrouve face à un enfant, peut-être un ange, qui lui explique qu'il a le droit à une deuxième chance, celle de retourner sur terre. La conscience pose ses questions par la pensée, concrétisées par du texte à l'écran. Immatérielle, nous voyons à travers ses yeux, en vue subjective. Le petit personnage prend la conscience par la main, le spectateur avec, et l'emmène vers un ascenseur, en réalité un trou béant. L'enfant lance autant cette âme sans enveloppe que le spectateur sur terre, un lieu qui tranche avec le ciel de par sa multitude de couleurs : celle des éléments, celle de l'esprit des hommes. Attention quelques spoilers.
S'incarnant dans le corps d'un adolescent, cette âme doit, pour être sauvée, découvrir ce qui l'a poussé au suicide. En fait, le film brosse tous les problèmes typiques du Japon, dépeignant de façon désenchantée le monde de ces ados, à travers de nombreux thèmes spécifiquement japonais : le suicide des enfants, la prostitution adolescente, les brimades, l'exclusion.
Est-ce alors un produit « exotique » qui viendrait mettre en lumière des problèmes d'ailleurs ? Une œuvre qui aurait une valeur anthropologique voire documentaire ?
La réponse est non : c'est avant tout une fiction à valeur universelle avec pour thème l'explosion d'une famille qui se doit de se reconstruire à travers l'adversité. C'est la quête la plus intéressante et la plus émouvante du film : la relation entre cet enfant et sa mère, de la haine sourde (à ce titre, le personnage de la mère est terrible : cherchant à se racheter auprès de son fils, elle sera rejetée plus que l'on peut accepter, créant une empathie rare) vers cette longue réconciliation. Réconciliation extraordinaire, fictive, mais calée dans un cadre on ne peut plus ordinaire : le repas du soir dans la cuisine, où le malaise social percé comme un mauvais abcès : cela fait mal, mais le gain est incommensurable.
C'est sans doute la force du film, bien plus proche d'un Isao Takahata qu'un Hayao Miyazaki : investir le réel et faire ressortir la force des sentiments à travers le dessin, avec la possibilité de montrer ce que le réel n'aurait pas pu exposer.
On regrettera, seulement, une volonté moralisatrice un peu trop martelée vers la fin (le suicide ce n'est pas bien, la vie est belle), qui gâche la subtilité d'un film facile à appréhender, pour nous proposer un « monde idéal ».
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