Pour moi qui apprécie le cinéma bobo mais intelligent d'Agnès Jaoui, "Comme une image" a longtemps été le titre mal-aimé de sa filmo : sans doute à cause de Marilou Berry, une comédienne qui a tendance à m'irriter, et de la bande-originale à base d'opéra, assez crispante.
Peut-être aussi en raison d'une tonalité assez sombre et sans concession, relative à une galerie de protagonistes plutôt antipathiques, qui fait en réalité tout le sel de ce deuxième long-métrage de Jaoui.
En effet, la tendresse affichée pour ses personnages dans "Le goût des autres" semble ici bien moindre, et cède la place à un certain malaise : ces derniers apparaissent toujours humains et contrastés, mais on a l'impression que leurs défauts et faiblesses prennent le dessus, faisant sans doute de "Comme une image" le film le plus pessimiste de Jaoui.
Ainsi, le couple central composé de Laurent Grévill et Agnès Jaoui, dont l'arc narratif s'achève sur une note clairement négative. On est d'ailleurs désappointé par la soudaineté du dénouement, tant on attendait une ultime scène pour nuancer cet échange brutal ("Je vais te laisser tranquille...").
Un parti-pris audacieux, illustrant bien la tonalité amère de cette comédie de mœurs grinçante, qui nous laisse avec un sourire jaune - à l'image d'un Jean-Pierre Bacri très convaincant en écrivain égocentrique, dans une énième variation de son personnage habituel.
A travers son thème central, la dictature des apparences et le rôle pervers joué par la notoriété dans les rapports humains, il apparaît évident que la réalisatrice s'intéresse plus que jamais à une élite intellectuelle et bourgeoise, représentée ici par l'intelligentsia littéraire et artistique.
Un type de cinéma qui en rebutera plus d'un, basé sur les dialogues et sur l'authenticité des personnages, davantage que sur une mise en scène sans grand relief ou sur un scénario minimaliste (même si ce dernier sera récompensé lors du festival de Cannes 2004).
Reconnaissons que le film manque parfois un peu de rythme, et que le trait pourra sembler un brin forcé à l'occasion, mais je dois dire que j'avais sous-estimé "Comme une image".
En réalité, ce deuxième long-métrage s'inscrit harmonieusement dans le début de filmo d'Agnès Jaoui, laquelle a hélas eu tendance à s'affaisser progressivement.