Robote 1.0
Dans cet enchevêtrement récent de productions cinématographiques un peu formatées , où le moindre signe d’originalité (ne serait-ce que dans un trailer ou dans le détail d’une affiche) devient...
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le 21 févr. 2025
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Malgré mon manque flagrant de régularité et de rigueur dans ma cinéphilie depuis un bon moment, il est quelque chose que je remarque avec amusement : quand je vais dans une salle obscure, ce n'est pas pour voir des films conventionnels. Et le film non-conventionnel du jour, c'est Companion.
Premier film d'un certain Drew Hancock, issu du monde de la télévision, Companion est un film qui se veut à la croisée de différents genres : science-fiction, horreur, thriller... Un pot-pourri quelque peu risqué, susceptible de courir à la catastrophe si non maitrisé. Pourtant, si une surprise nous attend avec ce film, elle est de nature bonne. Très bonne même, oserais-je dire.
Avec sa thématique de la femme-objet, déjà vu ailleurs (j'y reviendrai), Companion se place clairement dans l'un des axes majeurs de la science-fiction, à savoir la critique de notre société. Car oui, le pitch de base, à savoir une femme tout ce qu'il y a de plus commun voire banal qui apprend qu'elle est en fait un robot de compagnie, ne sert que de prétexte pour dénoncer des travers humains somme toute assez importants. C'est limite jouissif de voir que Josh, le "compagnon" de la protagoniste, se dévoile rapidement comme un incel abruti (pléonasme !) et possessif, incapable de garder un réel contrôle, en particulier sur lui-même ce qui lui empêche de prendre les décisions les plus logiques ou rationnelles. Ben oui, si ton but est de te servir de ton robot de compagnie pour tuer un vieux Russe au fin fond de la montagne, tu le désactives juste après qu'il a rempli sa fonction, tu exécutes ton plan d'origine, et basta ; tu ne vas pas trainasser parce que "gneuh gneuh je l'aime et puis elle m'offre ce que les vraies femmes m'ont toujours refusé" (alors il ne le dit pas mais c'est ce que j'ai clairement ressenti).
De manière moindre, sa complice Kat ainsi qu'Eli, complice malgré lui pour sa part, ne respirent ni la bonté d'âme ni l'intelligence immédiate, et apportent également un soupçon de réalisme dans leurs réactions - quand Iris (la protagoniste) s'enfuit, c'est normal que Kat ne la suive pas car trop shootée au Xanax.
Je pense que c'est ça que j'ai vraiment aimé dans Companion, la construction des personnages et l'échec d'un plan pourtant très (trop ?) simple à cause d'eux-même. J'entends aussi les critiques négatives, accusant le film de ne pas creuser la dualité homme/machine, ou encore d'avoir traité de manière trop superficielle et gadget la possibilité de jouer avec les capacités d'Iris. Hancock aurait pu partir dans cette voie, mais cela aurait été trop prévisible et trop ambitieux quand on veut déjà pointer du doigt la toxicité masculine, surtout pour un premier film. Pour cela, autant regarder des films mieux maitrisés, comme Her (2013) par exemple.
Ah, et parce qu'il faut bien en toucher un mot, le casting. Je ne vais pas aller par quatre chemins : Sophie Thatcher est tout simplement convaincante de A à Z. Parvenir à transmettre des émotions fortes quand on est un robot, sans sombrer dans la caricature, n'est pas donné à tout le monde, même si parfois on a du mal à percevoir le côté mécanique du personnage. Pour cela pas de souci, puisqu'il y a Patrick, joué par un Lukas Gage qui n'est pas en reste dans le rôle du robot fou amoureux au-delà de sa reprogrammation en cours de route par Josh, quand bien même la facilité scénaristique avec laquelle il disparait du récit est un peu grossière.
En revanche, Companion souffre de véritables défauts qui ne passent que difficilement. Je parlais de la stupidité des antagonistes, complètement justifiable et délectable dans l'ensemble mais confinant au ridicule. Je ne compte pas le nombre de fois où les antagonistes auraient pu simplement gagner en débranchant Iris, et ce n'est pas bon signe. J'ai également du mal avec la fin, me semblant trop bâclée car trop "happy ending". Entendons-nous bien : depuis le début j'ai souhaité que l'héroïne gagne, et voir qu'au final elle triomphe de tout le monde m'a comblé de joie, vraiment. Mais le côté "tralala tout va bien je pars oklm vers ma destinée", pas sûr de la pertinence.
Enfin, un problème plus global mais formel concerne la réalisation. En me renseignant pour cette chronique, j'ai appris que Drew Hancock venait de la télévision, ce qui explique en partie la fadeur de la réalisation. Loin de moi l'idée d'affirmer la supériorité du grand écran sur le petit, toutes préférences mises à part, mais passer d'un média à l'autre ne se fait pas sans casse, surtout dans le cas de Hancock dont c'est la première fois derrière la caméra, même en incluant sa carrière TV. Heureusement que la mise en scène de Companion n'était pas un élément crucial à l'oeuvre globale, cela aurait été gênant sinon.
Normalement, je devrais être satisfait sans plus par Companion. C'est un bon film, réalisé par un nouveau venu et servi par un casting clairement peu expérimenté et pas (encore) gangréné par le star-system. Mais franchement, quand je vois le degré de pertinence dans le traitement de l'histoire et un jeu d'acteur au diapason, je ne peux qu'encourager tout le monde : Drew Hancock pour nous réaliser d'autres films encore meilleurs, Sophie Thatcher parce qu'elle a un gros potentiel et les amateurs de SF pour découvrir une oeuvre pertinente au bon goût de doux-amer finalement plaisant.
Créée
le 15 févr. 2025
Modifiée
le 15 févr. 2025
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