Le Vatican et à travers lui la représentation politique et diplomatique de L'Eglise catholique romaine est de part son fonctionnement basé sur le secret et l'héritage traditionnel qui perdure depuis le onzième siècle, le terreau idéal pour imaginer les théories les plus folles sur ce qu'il s'y passe réellement.
L'un des secrets les mieux gardés réside dans le conclave, cette réunion impénétrable au commun des mortels durant lequel, totalement isolés du monde temporel, le collège des cardinaux élit le successeur de Saint Pierre, le Pape.
C'est dans ce temps et dans ce lieu exclusifs, jouant sur le huis clos spirituel que Edward BERGER choisit de nous plonger. L'intrigue s'entame sur la mort du Pape en activité, une mort surprenante tant rien ne laissait supposer qu'elle advienne, mais l'organisation du conclave doit se faire et il revient au doyen des cardinaux de s'en charger. Ralph FIENNES trouve ici l'un de ses meilleurs rôles, incarnant ce cardinal Lawrence caractérisé tout autant par un désir profond de poursuivre les réformes engagées par le Pape disparu, que par ses doutes d'homme sur non pas sa foi, mais l'Eglise et son fonctionnement matériel.
Le film se propose et réussit à être un thriller politique absolument prenant où tous les codes du genre sont respectés tout en y apportant les petites touches d'originalité qui en font une proposition singulière. Dans ces couloirs et autres lieux invisibles habituellement à nos yeux, se jouent les pouvoirs d'influences et d'idéologies qui décideront de la politique à venir de l'institution. Doit on poursuivre les réformes initiées par le Saint-Père dont on organise la succession ? Doit on revenir à une Eglise plus rigoriste ? Chacun avance ses pions, ses arguments, tire les ficelles et influe les membres du collège cardinal. Le Pape jusque là en activité avait il des ennemis parmi les cardinaux ?
Sont évoqués les sujets forts et qui portent discordes dans les rangs de la curie, comme la place des femmes, les questions liées à la tolérance vis à vis d'évolutions sociétales comme l'homosexualité ou les relations avec les autres religions, parmi d'autres.
La mise en scène est brillante et c'est sans nul doutes la photographie et l'esthétique du film qui constituent les indiscutables points forts du film, le graphisme induit par le rouge omniprésent est remarquable et le spectateur est convié dans cet univers de façon précieuse.
Toutefois, c'est au niveau du scénario que je trouve des problèmes. D'abord il y a une forme de bégaiement dans le traitement des idées contradictoires et la façon de disqualifier en fonction des besoins de la narration, qui finit par lasser et créer malgré une vraie tension une forme d'ennui poli.
Certains choix dans l'introduction d'éléments sont aussi questionnables, le cardinal que personne ne connaissait par exemple - rassurez vous ce n'est pas un spoil, il apparait dès les premières séquences du film - parait davantage être une licence visant à servir l'envie du scénario qu'à être un élément plausible. Cette liberté n'étant pas la seule on ressent une dichotomie entre l'ancrage voulu par la mise en scène dans une sorte de tangibilité et le fictionnel.
Ces éléments m'ont longtemps laissé croire que ma note finale serait plus sévère, mais dans une conclusion inattendue et qui choisit in fine par oublier le champ du possible respectant l'institution pour jouer sur la fiction, une fin qui va faire avaler leurs hosties à tous les fondamentalistes, vous savez ces réactionnaires qui n'ont pas mis les pieds dans une église depuis des années mais se répandent en appel à la croisade dès qu'on écorne l'image de la chrétienté.
L'église anglicane se paie l'église romaine et c'est plutôt jouissif.