Du chef-lieu de l’Église catholique et, encore plus d’un conclave, on pouvait en attendre que le silence. Un calme lourd et inquiet qui tapisse les dalles de marbre glacial de ces grands palais. Le film d’Edward Berger fait exactement l’inverse et déjoue cette grande quiétude pour façonner un espace sonore anormalement bruyant, mené par une bande originale tout en staccato perçant et tapissé par les murmures permanents des cardinaux. Ici même les sons les plus banals du quotidien (une cafetière, une poignée de porte, une photocopieuse en marche) sont amplifiés pour intensifier leur impact dramaturgique et leur étrangeté.
Malgré une mise en scène ambitieuse et un jeu d'acteurs de haut vol, le film manque étrangement de souffle.
Lawrence (Ralph Fiennes) est donc contraint à superviser l’élection d’un nouveau saint-père dans une chapelle Sixtine hermétiquement close. Et accessoirement veiller à ce que, parmi tous les vieux bonhommes à la respiration plus ou moins lourde venus se présenter à la succession, qu'on ne choisisse pas un vieux rétrograde, un manipulateur ou un pêcheur démasqué.
Ralph Lawrence reconnaît que la bonne personne pour devenir pape est une personne pure, qui croit encore… et je pense que c’est de cela qu’il s’agit. Il faut garder la pureté, l’innocence de sa vraie croyance. Le film parle de la plus ancienne institution patriarcale du monde, qui représente de nombreuses autres institutions patriarcales dans le monde. Et à la fin du film, il y a une fissure dans cette institution, une fissure de la féminité, peut-être ?
Et c'est peut-être là toute la force du film d'Edward Berger, délivrer en fin de compte un nouveau message de l'Église.
C’est une fissure à travers laquelle une lumière peut briller, une lumière qui guidera l’avenir, peut-être. Une fois le conclave terminé, les volets s’ouvrent et Lawrence ouvre la fenêtre et laisse entrer l’air, le soleil et la vie. Et il entend le rire féminin de ces trois religieuses. D’une certaine manière, c’est l’avenir et cela le fait sourire. C’est la promesse d’un avenir plus égalitaire avec un Pape qui pourrait offrir une certaine compréhension à tous les peuples, quel que soit leur genre ou leur sexe.
Pour Lawrence, l’élection de Benitez est un possible message divin, signe qu’il est temps de mettre fin à ces conflits pour embrasser le vrai sens de la religion chrétienne, les notions de partage, d’espoir, d’amour de son prochain et d’égalité. La passation se fait ainsi dans la douceur et une forme de sérénité retrouvée.