James Wan réalise avec Conjuring : Les Dossiers Warren l’un de ses meilleurs films d’horreur. S’étant auparavant illustré avec l’onirique Insidious et le viscéral Saw, Wan s’empare ici d’une ancienne affaire des époux Warren, démonologues et exorcistes reconnus par l’Eglise, afin de lui donner vie à l’écran. La prestation cinématographique bien que classique se révèle agréablement efficace.
A Harrisville, durant les seventies, la famille Perron ayant eu vent d’une bonne affaire emménage dans une petite bicoque à la campagne. A partir de là des événements surnaturels vont survenir touchant à chaque fois les membres féminins de la fratrie. La mère de famille, à bout, demandera l’assistance des époux Warren, spécialistes en démonologie et en exorcisme afin d’espérer faire fuir le mal qui s’est installé dans leur nouvelle demeure.
Alors autant le dire de suite, oui, Conjuring n’est pas parfait et comporte quelques défauts et difformités en son sein (la scène de l’exorcisme qui s’achève trop vite). Film somme, Conjuring regroupe ainsi tous les poncifs du genre (maison hantée, portes qui s’ouvrent toutes seules, cave non-éclairé…) et même quelques clichés à l’instar de l’asiatique geek. Mais James Wan se sert de ces fioritures délétères afin de créer une vraie atmosphère au film. Chaque claquement de porte, chaque apparition étrange est parfaitement calculée et permet de maintenir le spectateur en alerte. La mise en scène est sobre, assez esthétisée et maitrisée, le tout enveloppé dans une ambiance et des décors très années 70 faisant écho aux références du genre (l’Exorciste, Rosemary’s Baby …) parsemant tout au long du récit une ambiance inquiétante et terrifiante. De fait l’intensité va crescendo, les événements horrifiques s’amoncelant. Le schéma classique du film d’exorcisme peut alors entrer en scène selon le triptyque : Infestation (manifestation du démon), Oppression (présence d’une créature à l’agressivité hors-normes envers un ou plusieurs protagonistes) et Possession (domination de l’esprit d’un personnage de genre féminin majoritairement).
La mention « tiré de faits réels » ajouté au fait que lors des premières minutes du film les époux Warren fassent une présentation de leurs exploits permet d’ancrer ces derniers dans la réalité. Ainsi, le fait que nous ayons le sentiment de croire que ces histoires se soient réellement passées rajoute du poids au côté dramatique du récit.
Conjuring se démarque de la masse des films d’horreur récents par le fait qu’il y ait peu de jump-scare. Les rares cas présents permettent de travailler les nerfs du spectateur lors de moments clés du film et de pouvoir plutôt s’appuyer sur l’ambiance sordide tricotée tout au long du film. James Wan s’applique à faire ressentir la puissance du hors-champ afin de faire fonctionner l’imagination du spectateur de manière inéluctable, lui laissant le loisir de concevoir dans son esprit les pires abominations possibles. La meilleure illustration étant la scène où Lily se retrouve enfermée dans la cave avec pour seule aide une allumette, alliée dérisoire dans le but d’entretenir une lueur d’espoir dans cet acharnement forcené contre sa personne. Un autre détail qui vaut pour le coup de son importance est que Conjuring soit l’un des seuls films d’exorcisme où le démon apparait à l’écran. Volonté de matérialiser le mal en chair et en os ou ambition secrète de se démarquer des autres films de ce sous-genre ?
Les acteurs quant à eux sont de très bonne facture notamment le trio de tête : Lily Taylor, Vera Farmiga et Patrick Wilson. Ces deux derniers sont des habitués du genre. En incarnant les époux Warren, de par leur présence ils arrivent à rasséréner le spectateur à travers leurs apparitions dans un métrage où les scènes de tension sont omnipotentes. Mention spéciale à Lili Taylor dont la prestation est remarquable passant du registre de la mère aimante et attentionnée à une mère possédée et obsédée par une pulsion meurtrière qu’elle acquerra par procuration. De manière plus globale, on peut considérer que les femmes sont mises en avant au détriment de la gent masculine. De façon désavantageuse d’abord avec l’acharnement de la créature les amenant dans une position délicate tandis que le pauvre Roger Perron assiste impuissant au calvaire du reste de la famille. Ed Warren, sous les traits de Patrick Wilson apparait effacé laissant la place à une Lorraine Warren sensible et déterminé. Le film fait alors apparaitre Roger Perron et Ed Warren comme impuissants, passifs tandis que c’est par Lily Taylor et Lorraine Warren que le dénouement interviendra, la puissance et l’entraide maternelle résonnant alors plus fort que jamais dans cette maison hantée par un lourd passé.
Le dernier tiers du film se trouve en deçà du reste du métrage. Il s’en trouve biaisé par le trop plein de protagonistes rassemblés en une seule unité de lieu ramenant ainsi de la confiance au spectateur au lieu de pousser le curseur de la peur à son paroxysme. L’exorcisme orchestré sur la mère n’est pas exempt de tout reproche non plus, son accomplissement s’en révélant bien trop rapide alors que le climax du film était atteint.
Même si Conjuring n’est pas très original en soi et qu’il ne renouvelle pas le genre, il s’est tout de même révélé être le film d’horreur le plus effrayant de l’année cinématographique 2013.
Vivement la suite en 2016.