Je ne pense pas trop m'avancer en écrivant que Ryûsuke Hamaguchi, en une petite poignée de films, est d'ores et déjà un cinéaste de premier plan. À tel point que même quand il réalise une œuvre mineure, c'est savoureux.
Ici, il s'agit d'une succession de trois histoires ayant pour points communs de se baser sur l'amour et sur le hasard. Chacune d'entre elles peut aboutir soit sur du positif, soit à l'opposé sur du négatif, soit sur rien.
La mise en bouche est un éternel triangle amoureux dans lequel la meilleure pote d'une jeune femme pense avoir rencontré l'amour de sa vie... qui se trouve être l'ex de la jeune femme...
Je ne spoile pas des masses, car, en toute franchise, on le voit venir à des kilomètres, le coup de la meilleure amie qui est tombée sous le charme de l'ancien mec de celle qu'elle considère comme sa BFF. Mais, il n'empêche, l'échange piquant, non dénué de cruauté, entre la protagoniste et son ancien petit copain est un modèle d'intensité passant par le verbe (avec l'aide de la mise en scène et du jeu des acteurs évidemment !). Quant aux fins, il y a deux façons de l'interpréter. Ou la première est le fruit de l'imagination de notre personnage principal ou alors on laisse le choix au spectateur ou à la spectatrice de comment il ou elle veut que le tout finisse.
On enchaîne avec un ancien étudiant qui demande à sa maîtresse de le venger d'un professeur d'université qui l'avait humilié par le passé. Pour cela, elle doit draguer le monsieur dans son bureau en lui lisant un extrait d'un bouquin érotique qu'il a écrit tout en enregistrant la conversation...
Je me doutais que l'ironie allait pointer le bout de son méchant nez pour la conclusion. C'était prévisible. Mais le long moment de lecture déstabilisant (aussi bien pour les deux êtres en présence que pour celles et ceux qui regardent le film !) pendant lequel la femme lit un passage du livre pour le moins très suggestif face à l'auteur, qui réussit à garder sa placidité de bout en bout, provoque un mélange de drôlerie et de gêne très efficace.
Et pour finir, une femme croit croiser une ancienne amie de lycée, sauf qu'elle s'est méprise. Reste que quelquefois, le destin et la complexité humaine ont le don de donner l'impression d'être pleinement en phase avec quelqu'un que l'on ne connaissait pas une minute auparavant...
Comme le dit le vieil adage, il faut garder le meilleur pour la fin. D'autant plus que notre cerveau a tendance à voir avec plus de bienveillance quelque chose qui se termine sur une acmé. Hamaguchi l'a visiblement bien compris. D'une rencontre se basant sur un malentendu, au lieu d'un échange d'embarras que chacune veut achever le plus vite possible (pour la raison qu'elles n'en auraient rien à foutre l'une de l'autre !), on va avoir le droit à une discussion d'une profondeur touchante, pendant laquelle les deux inconnues montrent en toute sincérité qu'elles désirent faire connaissance, qu'elles s'intéressent l'une à l'autre, qu'elles souhaitent profiter à fond de cet heureux hasard. Pour le coup, là, c'est agréablement surprenant. On ne sait jamais (à l'instar de nos deux amies improvisées !) où on va, quelles sont les rebondissements employés pour maintenir le contact. Et c'est tant mieux. En tous les cas, j'ai eu le sourire aux lèvres. C'est chaleureux, c'est humain.
Décidément, avec Contes du hasard et autres fantaisies, Ryûsuke Hamaguchi confirme qu'il a la faculté de me conduire où il en a envie. Je me mets sans hésiter sur le siège passager.