Conversation secrète est un film moyennement prenant en tant que thriller, mais dont la personnalité surgit ailleurs. Dans l'importance du son par exemple : les bruits saturés en forme de puzzles à reconstituer, les sonneries de téléphone suspectes... L'absence de son aussi, dans les non-dits de ce héros taiseux ou le silence d'une chambre d'hôtel avant la tempête. Enfin, la musique comme seule échappatoire.
On remarque en parallèle que San Francisco n'est pas magnifiée une seule fois comme décor. Reste une ville anonyme aux bâtiments impersonnels, peuplée de foule anonymes elles aussi. Une ville ressentie à travers ces limiers planqués dans des camions. Ambiance de jungle sonore où les oreilles priment sur les yeux.
Dommage que l'"enquête" pantoufle un peu, alors que le thème se mariait bien avec une intrigue à tiroirs. La filature sonore est l'occasion d'un excellente scène d'ouverture, réalisée habilement et teintée de mystère, et c'est dommage de ne pas lui avoir donné une petite soeur à déchiffrer aussi. Bien sûr on est dans de l'espionnage d'ingénieur dégarni et sa demoiselle ne tient pas vraiment de la James Bond Girl, mais même dans ce contexte il était possible d'installer un chouia plus de tension (sans demander des course-poursuites en SUV ou la foire annuelle de l'uzi). Coppola a voulu se concentrer sur les états d'âme d'Harry, pourtant d'autres moments purement polar auraient justement pu nourrir les tourments du personnage.
Les seconds rôles sont peu étoffés (John Cazale sous-utilisé et un couple qui restera des sortes de Monsieur A et Madame B), mais Gene Hackman excelle en amateur de jazz taciturne et obsédé du contrôle, dont la paranoïa fournit le thème le plus intéressant du film. Méticuleusement, le film sème les indices d'une déformation professionnelle, à travers les barrières physiques et sociales que cet homme a placé entre lui et les autres. Avec en paroxysme cette puissante scène finale, où l'orgueil du spécialiste est touché et les repères s'effondrent.
(Moi j'aurais juste répondu "J'espère que t'aimes le sax', connard")