La question se pose : où sont passées les vives Couleurs de l'incendie, le roman de Pierre Lemaitre, dans son adaptation au cinéma, avec scénario et dialogues de l'auteur lui-même ? Entre les mains de Clovis Cornillac, le récit a perdu de sa flamboyance, devenant presque fade, avec pour seule réussite majeure celle de la reconstitution d'une époque, à savoir les années 30, entre dépression économique et montée des périls. Le film ne peut décemment pas échapper à une double comparaison : à celle de Au revoir là-haut, premier tome de la saga de Lemaitre, magistralement réinventé par Albert Dupontel et à celle du second épisode lui-même, côté littéraire, mélange détonant de tragique, de suspense et de comédie noire. Il reste quoi du livre, en définitive ? Son squelette narratif, soit la vengeance d'une femme contre l'engeance qui l'a trahie et ruinée, et presque rien d'autre. Léa Drucker est irréprochable, de même que Alice Isaaz et Fanny Ardant, dans des rôles plus secondaires, mais du côté de l'interprétation masculine, Benoît Poelvoorde et Olivier Gourmet sont dans l'obligation d'en faire des tonnes pour coller à des personnages de plus en plus grotesques au fil des minutes. Il est triste de voir à quel point la mise en scène scolaire et sans invention de Couleurs de l'incendie, qui commençait pourtant par une scène spectaculaire et dramatique en diable, plombe l'ensemble d'un film dont les rebondissements ne semblent plus répondre à autre chose qu'à une mécanique dont l'âme; la densité et le mélange de tendresse et de cruauté semblent s'être évaporés. Rien à voir, ou presque, avec le roman, savoureux et addictif.