Après Albert Dupontel et son adaptation de (l'excellentissime) Au Revoir Là-Haut de Pierre Lemaître, c'est au tour de Clovis Cornillac de s'attaquer à Couleurs de l'incendie, suite lointaine du premier (il n'y a aucune référence, aussi si vous ne l'avez pas vu, vous ne serez pas gêné). Et l'on peut dire que, décidément, Pierre Lemaître réussit à ceux qui ont l'audace de l'adapter, Clovis Cornillac signant un film d'époque classe, à l'intrigue prenante, aux personnages intenses, et à la mise en scène dépassant allègrement quelques grands noms du cinéma français. On s'est laissé surprendre par l'ouverture, poignante (dès que l'on touche aux enfants, on bondit dans notre fauteuil...) et très joliment filmée : voyez ce plan de Pietà en contre-plongée, muet, où la violence des émotions vous assaille, à tout juste 5 minutes du générique de début, campée par un Cornillac viscéral, certainement le plan qui nous a le plus marqué. On peut dire que l'ouverture nous a tapé dans l’œil, et la suite de nous plonger dans le combat acharné entre la femme dupée qui demande des comptes (Léa Drucker, excellente en tous points) et le personnage pernicieux de Benoît Poelvoorde (décidément brillant côté drame). Sous son petit chapeau de feutrine rouge, cette femme a l'air plus désespérée que dangereuse, mais c'est bien l'erreur que feront les personnages masculins de Couleurs de l'incendie, et le jeu de dupes de se renverser avec un plaisir que l'on partage au fur et à mesure du film. On regrette un peu la longueur du film (2h14), sans que l'on s'ennuie, mais on ressent parfois le caractère trop copieux du film (là où Au Revoir était passé comme une balle). Il n'empêche que l'on ressort bluffé à plusieurs niveaux : par l'histoire vraie (on ignorait que le roman s'inspirait d'un fait divers, la postface nous l'a appris), par le jeu parfait de Léa Drucker et Benoît Poelvoorde, par Fanny Ardant toujours radieuse, par Nils Othenin-Girard qui a enfin un rôle à sa taille, et évidemment par la mise en scène digne d'un grand. Couleurs de l'incendie est un feu de joie pour le cinéma français.