Takakura (Hidetoshi Nishijima), ex-flic, devenu professeur de criminologie, emménage avec sa femme dans un nouveau quartier, dont le voisinage semble assez étrange. Il cherche la tranquillité, mais un ancien collègue ressort une vieille enquête qui pourrait concerner plus Takakura, qu'il ne l'imagine.
L'inconvénient lorsque que l'on décide de mettre en scène une enquête sur une durée de deux heures, c'est qu'il faut savoir trouver les ingrédients pour donner de l'énergie au film. Des fausses pistes par exemple, des retournements de situations, l'émergence de nouveaux indices, etc. Un peu comme l'a magnifiquement fait Bong Joon-ho pour "Memories of Murder". Ici, le voisin de Takakura, Nishino (brillamment interprété par Teruyuki Kagawa), discret, caractériel et surtout très étrange, laisse présager le doute sur son statut. De plus le lien avec l'enquête précédente se fait vite, les déductions se font machinalement et il est dommage que ça ne soit pas plus le récit qui nous guide et nous fasse les révélations. Au final, on passe une première heure à tourner en rond dans l'enquête, en se doutant de où tout cela va aboutir. D'ailleurs le personnage de Saki (Haruna Kawaguchi) qui a tout de la pièce maîtresse pour l'enquête, est maladroitement mise à l'écart dans la seconde partie du film. On se demande alors à quoi bon sert toute cette mise en scène autour d'elle ? Oui, à donner des indices aux enquêteurs. Mais pourquoi mettre autant l'accent sur un personnage clé et le rejeter après ?
Cette seconde partie, c'est lorsque que l'on pénètre dans l'antre de l'antagoniste. Kurosawa semble enfin vouloir passer la vitesse supérieur en mettant les enquêteurs en réelle difficulté (lors de la scène ou le jeune policier Nogami se fait capturer et tuer par Nishino). Le temps s'écoule plus, mais on essaye de comprendre le trouble psychologique de ce mystérieux voisin, le comportement de Mio, qu'il affirme être sa fille, ou même de la femme de Takakura. Tout semble se désolidariser du protagoniste qui se rapproche peu à peu du but, tout en se confrontant à des obstacles qui le ralentissent. Ce qui permet enfin de donner un peu plus de saveur et de suspens au film. La suite est terrifiante, morbide, mais franche et ne fait pas dans la demi-mesure. Le dessein de Nishino apparaît et on salue alors la construction de ce personnage original qui se sert de la main d'innocents pour accomplir sa volonté de tuer et aussi l'entêtement de Takakura qui va le conduire à sa perte.
Le final est bien amené, même si le retour du protagoniste principal se fait attendre, Kurosawa nous laisse douter sur la possibilité que Nishino recommence son oeuvre mais de manière plus magistral après s'être construit une "famille". Le plan d'ailleurs de la "famille" réunit (Takakura et sa femme, Mio et le chien) sur le parking d'un hôtel est d'ailleurs brillant. Car Kurosawa aurait pu commencer le film par ce plan, ou bien commencer un nouveau film ainsi. Nous saute alors aux yeux ce que recherche vraiment Nishino, l'objet de sa quête. Lui excité, les autres silencieux, un malaise pèse avec cette famille soumise à lui. De quoi donner de la suite dans les idées ...
Bien que "Creepy" soit composé de petites coquilles comme le jeu d'acteur qui parfois laisse à désirer (comme s'ils sortaient tout droit d'un drama) et les longueurs de récits inutiles sur l'enquête qui tourne en rond. Le portrait de Nishino est très bien construit et très bien amené. Le suspens se fait attendre (oui c'est un pléonasme), mais lorsqu'il se met à nu alors on suffoque et on ne cherche plus à savoir comment la confrontation se fera (entre Takakura et Nishino), mais comment elle finira. Pour le coup Kurosawa nous fait patienter et c'est efficace, mais pas dans la totalité du film malheureusement .