En ce début d'année 2014, Dallas Buyers Club était attendu pour plusieurs raisons : la confirmation pour McConaughey que 2014 est peut-être SON année, le come-back au cinéma de Jared Leto dans un rôle excentrique et la possibilité pour Jean-Marc Vallée de faire un super film. Si les deux premières raisons sont supérieures aux attentes placées, Jean-Marc Vallée ne réussit malheureusement pas à nous emmener aussi loin que nous espérons. Au final, Dallas Buyers Club est un film qui possède de nombreuses qualités mais on ne peut s'empêcher de sortir de la salle en restant sur notre faim.
Le film se déroule autour du personnage de Ron Woodroof, un cow-boy texan qui apprend un jour qu'il est séropositif et qu'il lui reste, selon son médecin, « 30 jours à vivre ». Très confiant, Ron ne le prend pas au sérieux mais se rendra vite compte physiquement que ses jours sont en effet comptés. Étant prêt à tout pour survivre, ce qui débute comme une lutte personnelle deviendra au fur et à mesure de l'histoire un combat solidaire pour l'accès aux traitements efficaces pour les séropositifs.
Le point fort du film est indéniablement ses personnages et notamment ceux de Ron et Rayon. Si le film est axé principalement sur Ron, la partie la plus intéressante reste la relation entre ces deux personnages fascinants. Au début du film, Ron nous est présenté au sommet de son business : travail, relations, alcool, rodéo, parties de jambes en l'air, Ron s'éclate. Et même si Ron paraît assez antipathique par sa vulgarité, sa violence, son physique assez laid tel « un bouseux du Texas » il n'en démontre pas moins un côté assez charismatique. Et plus Ron va se retrouver seul, faible et impuissant et plus l'empathie va se créer. Si le film met un peu de temps à démarrer, il devient très intéressant dès que la rencontre entre Ron et Rayon a lieue. Ces deux personnages sont des antihéros complètement fascinants : l'un est un type vulgaire, provocateur et homophobe tandis que l'autre est un transgenre toxicomane fragile et sensible. Entre ces deux personnalités que tout oppose, une relation forte va se dégager car ils se complètent parfaitement : c'est la sensibilité qui répond à la testostérone. Les provocations et insultes ironiques sont les façons d'exprimer leur attention envers l'autre et cette idée fonctionne à merveille, certaines sont très drôles et viennent désamorcer le sort fataliste dans lequel ils sont plongés.
Cette relation sera bénéfique pour eux car en plus de trouver en l'autre une amitié inimaginable au commencement, Ron évolue dans son comportement et finit par mettre de l'eau dans son vin quand à sa vision homophobe, considérant Rayon comme son égal.
Cependant, il est dommage qu'à partir de la création du Dallas Buyers Club, le film s'éloigne un peu de la relation intime établie avec Ron. Le film privilégie la lutte du club pour l'accès aux traitements efficaces à travers ses moments forts et faibles à la manière, un peu à la manière de montagnes russes. Si le film marche plutôt efficacement dans cette démarche, il est dommage que l'on en sache pas plus sur les ambitions personnelles de Ron, qu'est-ce-qu'il désire au fond de lui en plus d'aider les autres ? Et si le film donne une réponse rapide vers la fin, l'attente est alors complètement désamorcée car elle n'a pas le temps d'opérer, elle aurait gagnée à être établie plus tôt.
Un autre problème du film est le traitement du personnage de Rayon, le film oscille constamment entre une approche distante et intime, ce qui est assez dérangeant. Autant nous sommes proches de Rayon quand nous comprenons la relation entretenue avec son père ainsi que ces moments où il se regarde seul dans le miroir, autant nous ne connaissons pas ses ambitions personnelles. Certes le film s'organise autour de Ron, mais Rayon a tout de même une importance pour le spectateur. Il est tiraillé et complexé, de ce fait nous aimerions clairement en apprendre un peu plus sur lui, ce que le film tente trop superficiellement. Mais du coup cette tentative ne peut pas justifier que la mort de Rayon soit balayée d'un revers de manche à travers une scène expéditive et frustrante.
L'attirance portée pour ces personnages excentriques est écrasante sur les autres. Eve, qui d'une façon complète le trio, en subit les conséquences car son personnage est relativement banal et du coup n'est pas très intéressant par rapport aux deux autres. La scène du restaurant aurait pu être remplacée par une scène intime entre Ron et Rayon qui, entre quelques provocations ironiques, auraient pu échanger leurs visions personnelles maintenant qu'ils sont toujours en vie, peut-être histoire de faire le point, ce qui aurait été beaucoup plus intéressant.
La réalisation est donc le problème majeur du film. La mise en scène est assez banale car il manque cruellement de personnalité. Les cadrages sont propres et l'image retranscrit assez bien l'ambiance rurale et poussiéreuse du Texas mais on aurait aimé plus d'investissement et moins de classicisme. Les cartons noirs placés pour situer temporellement les derniers jours de Ron sont d'une telle banalité que l'on sort de l'atmosphère crée à chaque fois. Il aurait été beaucoup plus juste d'utiliser des repères temporels visuels à travers différentes scènes. Là ils sont mal rythmés et au final ne créent plus aucun enjeux car on sait au bout des dix premiers jours qu'il trouve au Mexique un traitement qui le fera tenir au-delà des prévisions. Ces ellipses sont mal dosées, tout comme les plans ''avion'' qui sont franchement laids. S'il est important qu'ils y soient dans la narration pour que ce soit plus simple pour la compréhension du spectateur et qu'un rythme soit crée, autant faire des plans agréables pour éviter une certaine cassure visuelle.
McConaughey et Leto portent littéralement le film, chaque prestation est très impressionnante et on sent que leur investissement a été prépondérant. Il réussissent à créer de l'empathie et de la fascination pour leurs personnages qui pourtant sont très différents et surtout sur le papier n'ont aucun charisme. Jennifer Garner joue juste et on ne peut lui reprocher grand chose, hormis que son personnage est assez creux à côté des deux autres.
D'une certaine façon, le dernier plan est symbolique du film : intéressant mais mal amené. On a cette pointe de déception lorsque le générique défile car avec une telle histoire et de tels acteurs en sa possession, le réalisateur aurait pu faire beaucoup mieux en prenant peut-être une direction différente, en s'intéressant un peu plus à la relation entre Ron et Rayon. Alors est-ce-que les attentes placées dans le film étaient trop importantes ? Seul le temps pourra tenter d'y répondre.