Le chef-d'oeuvre annonciateur du XXIème siècle.
Dancer in the Dark, film du danois Lars Von Trier sorti en salles durant l'année 2000, est un film dont on ne ressort pas indemne.
Tout dans le film est sublimé par ce réalisme poignant – le Dogme 95 contribuant grandement à cette proximité presque malsaine avec les événements –, ce jeu d'acteur qui transcende les personnages, et ces chansons tantôt gaies, tantôt dérangeantes, mais qui possèdent toujours une dimension malfaisante, annonciatrice de catastrophes. Car le spectateur s'attend à ce que le chemin soit semé d'embûches pour la bienveillante Selma, mais il ne sait pas encore que l'histoire mettra à vif ses nerfs de juge arbitre.
Cette œuvre éprouve le spectateur, il le met face à des situations intolérables et lui demande de les accepter. Ici, personne n'est gentil ou méchant, l'histoire va au-delà de toutes ces considérations, il touche aux douleurs les plus profondes que peut ressentir un être humain, son impuissance, et tous les moyens qu'il est capable de mettre en œuvre pour non pas se sauver lui-même, mais pour empêcher son monde de s'ensevelir.
Dire que Dancer in the Dark est un insidieux provocateur d'ascenseurs émotionnels est un euphémisme : c'est une véritable catharsis des sentiments qui vous pénètrent. Certains moments prêtent à sourire, voire à rire, mais c'est uniquement pour que la chute soit encore plus terrible ensuite. La musique et les paysages vous bercent au début, mais la descente dans les enfers de l'enfermement et du désespoir vous guettent.
L'œuvre de Lars Von Trier parle de justice, de lutte, de mort, mais, surtout, développe un thème en particulier : l'amour d'une mère qui se débat dans un monde régi par l'insensibilité mécanique des hommes forts. Björk nous laisse cois de torpeur devant sa prestation, au-delà de ce qu'un film est en droit d'espérer. L'un des plus beaux films d'un siècle à son crépuscule, mais qui renaîtra à l'aube du XXIème siècle, telle une démonstration magistrale.