Lynch qui produit Herzog avec Michael Shannon, Chloé Sévigny (trop bonne en plus <3) et Udo Kier au casting : sur le papier, ça envoie du bois.
En pratique, c'est un pur film herzogien, très synthétique de ce que le bonhomme a fait avant : il y a des nains et des fous. De toutes façons, qu'on se le dise clairement, de Aguirre la colère de Dieu à Grizzly Man, de Woyzeck à Bad Lieutenant, la folie a toujours été LE grand sujet de Werner Herzog. C'est vrai que le cinéaste lui-même niveau dérangement en tient une sacrée couche, donc quelque part, c'est pas tellement étonnant.
Dans ce My son, my son, what have ye done (notez comment le ton de tragédie grecque du titre, que le film va détourner bien comme il faut), Herzog nous pond presque un exercice de style. Le but est de partir d'une certaine médiocrité cinématographique et le début du film a des airs de téléfilm, pour y faire rentrer peu à peu la folie du personnage de Shannon, et que celle-ci contamine progressivement la pellicule. On part du pragmatisme et du rationalisme pour mieux s'engouffrer dans l'irréel et la folie. Quelque part, ce genre de dispositifs est typique de Werner Herzog, qu'on se rappelle seulement de la lente dérive du radeau dans Aguirre où la démence hallucinatoire du personnage éponyme finit par totalement se refléter dans la mise en scène.
Mais il n'y a pas que du Aguirre dans ce grand "petit film" de Herzog. On le sait, quand on connaît un peu le bonhomme, Herzog est un nihiliste qui ne croit qu'à la violence et au chaos. Cela dit, il y a beaucoup d'ironie et d'humour noir chez le cinéaste allemand et le présent film n'y déroge pas. Ce qui est vraiment jouissif, c'est la façon dont Werner immisce des éléments de récit pour mieux les détourner. Ici, le théâtre car le personnage de Shannon est constamment dans la performance (et ça évoque encore Grizzly Man). D'ailleurs, les séquences avec sa mère et Chloé Sévigny, c'est un petit théâtre de l'absurde, à la fois hilarant et franchement malsain. La structure de la tragédie grecque qui sous-tend le film avec cette reprise du mythe d'Oreste, est savamment tournée en dérision parce que Werner Herzog va volontairement trop loin pour que l'on y croit tout le long, la seule distance qu'il prend avec cette histoire de folie résidant justement dans cette façon qu'il a de pousser les ressorts de son film jusqu'à l'absurde.
Pas toujours toutefois et c'est là que repose l'équilibre du film. C'est que Herzog est tantôt dans une ironie vacharde et fun, tantôt dans un sérieux qui met presque mal à l'aise. C'est là d'où vient le sentiment d'étrangeté, d'imprévisibilité de l'ensemble.