Un budget proche de zéro, 15 jours de tournage intensifs dans les décors du film Le Religieux De Monza (Sergio Corbucci - 1962) avant qu'ils ne soient détruits, la starlette du cinéma gothique de l'époque alias Barbara Steele, un jeune réalisateur de 34 ans qui vient de se faire remarquer avec un efficace petit film de genre intitulé La Vierge De Nuremberg et hop, le tour est joué, voici l'un des fleurons du cinéma fantastique gothique italien qui montre le bout de son nez : Danse Macabre.

Réponse italienne au succès que rencontre alors Roger Corman en adaptant les nouvelles d'Edgar Allan Poe, les frères Corbucci épaulés par Giovanni Grimaldi rédigent un script dont ils offrent, pour des raisons commerciales, la paternité au célèbre auteur de La Chute De La Maison Usher. Et si Poe n'a absolument rien à voir avec cette danse funèbre se déroulant dans un sinistre château inhabité, il n'en reste pas moins que les auteurs italiens ont finement saisi l'esprit, l'essence et la poésie des écrits de l'auteur américain.

Journaliste de son état, Alan Foster souhaite interviewer Edgar Allan Poe qu'il croise dans une taverne des faubourgs de Londres. En guise de pari, Alan accepte de passer la nuit, seul, dans le château abandonné de Lord Blackwood, lieu par ailleurs hanté depuis un massacre familial s'étant déroulé lors de la nuit des morts. Là, le courageux journaliste y rencontre Elizabeth, la sœur de Blackwood, et tombe sous son charme sans se douter un seul instant qu'elle est un spectre…

Projet d'abord initié par Sergio Corbucci (il en tourna d'ailleurs quelques scènes) avant d'être appelé par Totò pour la mise en scène de la comédie politique Les Députés, Danse Macabre fut achevé par Antonio Margheriti sous son pseudonyme anglo-saxon d'Anthony M. Dawson. Un choix judicieux de la part des producteurs puisque Margheriti va transcender les caractéristiques propre au genre, principalement initiées par Le Masque Du Démon en Italie, où l'exosphère se voit délicieusement muée en perambulation temporelle. Spectral et gothique, le climat général du long-métrage se matérialise en un sombre poème où les sentiments humains poussent à la folie meurtrière pour les beaux yeux du personnage incarné par Barbara Steele.

Tour à tour sorcière, revenante, vampire, victime ou bourreau dans ses précédents films, la reine de l'épouvante gothique d'alors trouve peut-être ici le plus beau rôle de sa carrière. Châtelaine infidèle à son époux, elle noie son plaisir charnel entre les bras du palefrenier du domaine. Ce dernier, amoureux transi de sa maîtresse et maladivement jaloux, va mettre un terme à sa souffrance en éliminant l'entourage d'Elizabeth sans prévoir que la cousine de celle-ci, également amoureuse d'Elizabeth, assassine à son tour le valet meurtrier. Une sanglante et morbide réaction en chaîne se déploie ainsi le temps d'une nuit et se répète inlassablement chaque année à la même date sous les yeux d'un témoin, bien vivant quant à lui, mais prochaine victime sacrificielle dont les fantômes ont besoin pour réapparaître et répéter leurs méfaits. Une boucle infernale sous forme de danse hypnotique que l'on peut définir comme une ode à Barbara Steele qui vampirise sensuellement l'action à chacune de ses apparitions.

Venant d'achever le tournage de sous la direction de Federico Fellini, la jeune comédienne, qui déteste les films d'épouvante, souhaite alors prendre ses distances avec le genre mais se laisse néanmoins convaincre par son ami Ruggero Deodato, premier assistant réalisateur sur Danse Macabre, de rempiler. Ce qu'elle regretta amèrement par la suite puisque son image fut liée au genre tout au long de son parcours et qu'elle ne put jamais édifier la carrière dont elle rêvait.

Malgré tout, avec le recul, Danse Macabre reste le film que Barbara Steele préfère au sein de sa filmographie, à l'instar d'Antonio Margheriti qui commit toutefois un remake en couleur intitulé Les Fantômes De Hurlevent, en 1971, avec Michèle Mercier dans le rôle d'Elizabeth Blackwood. Une œuvre dénuée du mystère et de la poésie macabre constituant la mythique version originale dont la France fut le seul pays à conserver une scène de nudité, très osée en 1964, où la comédienne française Sylvia Sorrente dévoile son opulente poitrine.

Incontestable fleuron des films de maison hantée aux côtés de La Maison Du Diable de Robert Wise, Danse Macabre s'adresse néanmoins à un public bien plus sensible à la poésie (aussi sépulcrale soit-elle) qu'aux spectateurs s'adonnant à une recherche constante d'effroi ou de gore.


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le 7 déc. 2024

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