De humani corporis fabrica, dont le titre est inspiré du traité d’anatomie d’André Vésale, médecin et anatomiste de la Renaissance, est un documentaire passionnant car recelant de multiples fonds. La première séquence semble suivre un agent de sécurité, mais ça pourrait aussi être un « soignant », filmée caméra à l’épaule on ne sait plus bien où l’on est, visiblement dans le labyrinthe sous-terrain d’un hôpital, prémices à ce qui va suivre.
Le film est premièrement une plongée saisissante dans les méandres du corps humain, un film aux séquences saisissantes pour tout profane n’ayant jamais mis les pieds dans un bloc opératoire. Les séquences ne sont pas introduites par des commentaires ou des explications. On n’est jamais sûr de savoir où l’on est, quelle zone de l’anatomie humaine est sous nos yeux : on le comprendra plus ou moins facilement selon nos connaissances préalables du monde médical/hospitalier. Ce caractère brut des images renforce leur puissance déshumanisante, mais la mise en scène raccroche toujours l’imagine désincarnée au patient opéré, d’une façon ou d’une autre, façon habile de questionner la déshumanisation inhérente au geste médical, voire de questionner ce qui forge l’humanité d’un geste.Le son original est conservé tel quel et permet d’instaurer un contraste quasi comique entre la brutalité des images et la légèreté des conversations et des commentaires qui les accompagnent.
Le film repose sur une mise en scène assez minimaliste, de longues séquences sans lien évident. Les réalisateurs ont une confiance totale dans le pouvoir narratif de ces images, de la fascination qu’elles suscitent en nous. Le film semble lui-même fasciné par la capacité du milieu médical a généré des images impressionnantes, la caméra n’ayant qu’à se poser et enregistrer. La médecine étant de longue date un vecteur important de progrès technologique, notamment dans le domaine de l’imagerie, ce mariage semble tout naturel.
On nous montre tout, de la naissance à la mort en passant par de longues déambulations dans les couloirs d’une unité de gératrie/psychaitrie, en suggérant parfois la dialectique maligne entre la démesure des moyens à disposition pour tenter de réparer les corps défaillants et la propension chaotique de ces derniers à faillir.
De nombreuses séquences dans le film sont impressionnantes et il est évident qu’elles seront insupportables pour certains, avis aux spectateurs se sachant sensibles à ce type d’images : vous ne serez pas ménagés du tout.