Changement radical de registre pour Lucien Castaing-Taylor & Verena Paravel, après s'être intéressés au cannibale japonais Issei Sagawa (Caniba - 2017), cette fois-ci, ils s’intéressent au corps humain, à la fois en-dehors et à l’intérieur de celui-ci…
A cette occasion, les réalisateurs ont pu poser leurs caméras dans les hôpitaux du Nord de Paris (principalement ceux de Beaujon et de Bichat) et tourner dans une trentaine de services (pédiatrie, morgue, anatomopathologie, orthopédie, maternité, ...), totalisant pas moins de 350 heures de rushs pour n’en garder que 2.
De Humani corporis fabrica (2022) est l’exemple typique du film documentaire à ne pas mettre en toutes les mains, tant les images que nous sont dévoilées s’avèrent toutes plus marquantes, horrifiantes et sidérantes les unes que les autres. Ils ont filmé là où rarement les caméras n’avaient été autorisé à filmer jusqu’à présent, les images sont saisissantes, voir (pour certaines) malaisantes.
Filmer des corps à l’hôpital n’a rien de nouveau en soi, mais filmer à l’intérieur du corps humain et arriver à nous le restituer de la sorte reste encore rare de nos jours. Les images sont bluffantes et certaines vous retournent l’estomac. Les images proviennent d’imageries médicale (IRM), d’autres sont endoscopiques, échographiques ou filmées à l’intérieur des microscopes (ou d’autres sont issues des caméras scialytiques installées au-dessus de la table d’opération).
Ces nombreuses immersions dans le corps humain sont l’occasion de vivre le quotidien de ces médecins, infirmières, sages-femmes, … Certaines images sont indéfinissables, on ne parvient pas à deviner dans quelle partie du corps nous sommes et d’autres permettent de mettre en lumière divers actes médicaux, âmes sensibles s’abstenir puisque rien ne nous est épargné
(chirurgie crânienne (avec pose de vis dans le crâne), "vitrectomie" (chirurgie de la rétine de l’œil), "arthrodèse vertébrale" (pose d’une tige et des vis pour souder la colonne vertébrale), on assiste à une césarienne (où l’obstétricienne y plonge littéralement les avant-bras), dans le plan d’après, c’est une verge qui se fait drainer, celui d’après, c’est la dissection d’un sein ayant une tumeur cancéreuse où ils analysent des métastases ou encore l’ablation de la prostate, …).
Sang, artères, boyaux, sutures, chairs, muqueuses, fluides corporels, le corps sous toutes ses coutures et comme vous ne l’avez jamais vu. Dans la même lignée que le film de Stan Brakhage (The Act of Seeing with One's Own Eye - 1971) qui ne nous épargnait absolument pas dans sa façon de mettre en scène les corps, le duo de cinéastes séduisent et écœurent à la fois, malgré quelques digressions (notamment les vigiles dans les souterrains, le malade mental ou encore les deux vieilles femmes séniles). Une immersion dans le milieu hospitalier qui donne aussi à voir (et à entendre) le quotidien pas toujours facile du personnel médical (manque de moyen & sous-effectif), qui dénote avec les instruments chirurgicaux hyper-technologiques.
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