Le cinéma d’horreur et le hard-rock ont souvent botté des culs ensemble, main dans la main, le coeur joyeux et le poil soyeux. Le premier profitant régulièrement des sonorités rock et pêchues du second, tandis que le second aime reprendre ses codes esthétiques. Et bien sûr il y a eu les collaborations plus poussées mais d’un niveau aléatoire, entre les nanars tels que Kiss contre les fantômes, les films maladroits comme Strangeland de Dee Snyder (le chanteur de Twisted Sister) et d’autres essais plus réussis.
Deathgasm en fait partie. Le film du néo-zélandais Jason Lei Howden casse la baraque, même si tout n’est pas parfait. Son point de départ n’est guère original, il s’agit d’une bande de gamins qui s’ennuient dans leur petit bled paumé et qui vont invoquer des démons qui vont prendre possession des habitants.
Heureusement, partir d’un schéma classique n’est pas rédhibitoire quand on l’enrobe du vernis métal qu’a choisi Jason Lei Howden, et par métal il faut bien sur entendre (sans bouchons d’oreille) heavy metal. Brodie et Zack sont deux métalleux, ils ont les cheveux longs, ils aiment les fringues et les accessoires sombres ou à l’effigie de leurs groupes et bien sûr ils aiment la même musique, de celle qui font pleurer de peur les chrétiens intégristes.
L’un est d’ailleurs plus calme et réservé, l’autre est plus cynique et ambiguë. Ils sont des frères de métal, liés par le sang, leur sang. Leur relation fait d’ailleurs partie des éléments les plus réussis du film, à la fois forte et instable, « à l’ami à la mort ». Leur avoir ajouté deux geeks fans de jeux de rôle est assez maladroit, tant les deux sont un peu trop visibles dans la caricature et que leur sort n’importe plus vraiment quelques scènes plus loin.
La première partie toussote tout de même car Deathgasm nous ressort les codes habituels du marginal mal intégré, mal accepté, blablabla. Toutes les personnes croisées sont des archétypes, entre la brute qui s’en prend aux geeks ou sa petite copine qui en pince pour Brodie. Cette dernière révélera heureusement son potentiel caché lors de l’invasion des démons, se révélant dotée d’un sérieux coup de hache et d’un appétit gourmand pour le sang. Même si, bon, sa relation entre Brodie et Zack, n’est pas des mieux écrites, à l’image des autres existantes qui en dehors du duo de métalleux manquent d’intérêt.
Heureusement, une fois les démons invités suite à une partition maléfique jouée par le groupe de métal (et oui), le film prend une tournure bien plus jouissive, bien plus rock. La ville devient folle, et nos métalleux sont le seul espoir de faire revenir les choses à la normale, sauf que tout le monde n’est pas d’accord pour le faire (sacré Zack !).
Le film entre alors dans une ère plus brutale, plus sordide aussi, avec ces démons bien conscients et ravis de maltraiter le corps de leur hôte. Jason Lei Howden a travaillé et continue à le faire dans les effets spéciaux, c’est son dada, il a participé notamment à la trilogie du Hobbit ou à The Wolverine. Il plonge son film dans un bain de mélasse noire, sans grandes couleurs visibles, tandis que ses créatures sont assez basiques, son boss final assez mal réussi d’ailleurs, mais compensent par la folie qui les habite.
Deathgasm pourrait d’ailleurs se perdre dans ce noir-c’est-noir, mais non, il sert d’arrière-plan ; le film possède aussi un certain humour qui n’est pas de la plus grande finesse, mais qui colle bien avec cet environnement métal et à ses protagonistes. Brodie et Zack ont pourtant la plaisanterie retenue, mais il y a un certain nombre d’allusions au cul. Et s’il faut se défaire des démons à coups de godemichets dans la tronche, alors nécessité fait loi. Quelques plaisanteries resteront réservées à une frange de vrais métalleux dans le public, mais d’autres idées amuseront la galerie à l’image de ce clip amateur dans une forêt ou du rêve machiste clin d’oeil évident à certaines pochettes du genre.
On pourrait tout de même regretter que la bande-son, aussi bonne soit-elle, soit un peu trop discrète, alors qu’il aurait fallu crever les tympans et danser sur les corps des vaincus. D’ailleurs, si Deathgasm propose quelques bonnes scènes, il lui manque peut-être cette rage de vivre métalleuse, peut-être brimée à cause du caractère adolescent de ses protagonistes. L’ensemble se tient, l’idée est bonne et elle se révèle tout de même assez réussie, d’autant plus en rappelant qu’il s’agit d’un premier métrage.
L’ensemble est tellement prometteur qu’il serait tout à fait légitime d’imaginer une suite avec les mêmes ingrédients tout en gommant ce qui n’allait pas. Il en a été question, mais en février 2021 le projet qui était alors annoncé comme encore plus fou fut annulé, ayant été refusé par la commission cinématographique de la Nouvelle-Zélande. Brutal.