Oui, je sais que vous allez me sortir que c'est un film sympa, que je suis un vieux con difficile. Bon, primo, oui, je suis un vieux con difficile. Le truc, c'est que plus on voit de films, plus, inévitablement, on devient difficile. Secundo, un film sympa peut ne pas être bon. Et moi, je m'en fous qu'il soit sympa, je veux qu'il soit bon.
Ce qui fait que non, je ne peux pas apprécier une intrigue avec des rebondissements hyper-téléphonés s'accumulant sans la moindre subtilité. Non, je ne peux pas apprécier non plus un manichéisme débile avec les aristocrates qui sont tous des méchants, ne pensant à chaque seconde de leur oisive vie qu'à mépriser du plus profond d'eux-mêmes ceux qu'ils considèrent en dessous d'eux, et les pauvres qui sont forcément tout gentils, tout mignons. Attention, je ne dis pas qu'il n'y avait pas de grosses crevures dans l'aristocratie française du XVIIIe siècle, que la figure du principal antagoniste (incarné par Benjamin Lavernhe !) n'est pas crédible. Je dis juste que le fait que la séparation riches/pauvres soit liée ici à celle enflures/gentils me semble d'une grande lourdeur. Et l'argument de la Révolution française approchant à grands pas n'est pas du tout approfondi. Il sert juste à bien appuyer sur le côté "ouais, les gentils pauvres vont avoir bientôt leur revanche sur les méchants riches".
Et là, vous allez me dire, "ouais, mais le personnage d'Isabelle Carré est une marquise, donc une aristo, et pourtant elle est gentille". Ce à quoi je réponds "oui, mais elle est pauvre, donc si on suit la logique stupide du film, si elle est pauvre, elle est gentille".
Et le personnage de domestique de Guillaume de Tonquédec est un salaud et pourtant c'est un pauvre ? Ben non, c'est son méchant maître qui le pousse à le faire des choses négatives. Mais dès qu'il n'est plus sous le contrôle de celui-ci, il devient gentil par la magie d'une pirouette scénaristique finale stupide.
Oui, autre chose, le réalisateur Eric Besnard veut montrer qu'il sait faire de beaux plans en s'inspirant de toiles de natures mortes de l'époque sur fond sombre et cuivré. Ben, c'est bien joli, mais qu'est-ce que cela apporte à l'histoire ? Rien, ça interrompt juste l'ensemble inutilement, ça en fait sortir le spectateur (pas longtemps, mais quand même suffisamment !). Cela n'apporte rien à la narration. C'est juste d'un type qui veut se la péter.
Et pour les orages, il y a un truc qui me saoule grave dans la majorité des films en mettant au moins un en scène (si j'en parle ici, c'est que Délicieux a ce problème aussi évidemment !) : bordel de merde, il y a toujours un petit décalage de quelques secondes entre l'apparition de l'éclair et le bruit du tonnerre. Non, à moins d'être hyper-prêt du lieu où frappe la foudre, le flash et le grondement ne viennent pas exactement en même temps.
C'est dommage tout ceci, car le sujet d'évoquer l'idée de restaurant entrant dans l'esprit et les habitudes des classes populaires (sachant qu'avant, notre notion moderne de restauration, comme loisir, n'était que l'apanage d'une élite, que les gens modestes mangeaient chez eux et n'allaient dans les auberges que quand ils étaient de passage, c'est-à-dire quand ils n'avaient le choix que d'aller là pour se sustenter !) avait un bon potentiel qui, avec de la nuance et en évitant le téléphoné, aurait pu tout à fait donner quelque chose de très bon.
Dans cette optique, la cuisine et la manière dont s'est crée le premier restaurant ouvert à tous suffisaient très hautement. Pas besoin de nous sortir les cartes méchants riches vs gentils pauvres et Révolution française.
En plus, Grégory Gadebois a vraiment le physique que l'on peut imaginer pour un cuisinier du siècle des Lumières et Isabelle Carré est toujours une excellente comédienne. Ils auraient mérité de servir quelque chose de mieux.
Mais bon, si de nombreuses personnes trouvent ce film sympa, tant mieux pour elles. Moi, je suis un vieux con, trop difficile pour pouvoir l'apprécier.