Après avoir écrit des romans et des scénarios pendant quelques années, José Giovanni s'attaque à la réalisation de films. "Dernier domicile connu" est son deuxième ou troisième film après notamment "le rapace".
"Dernier domicile connu" est un film policier pessimiste qui évoque deux problématiques.
La première c'est la protection des témoins par la police dans les affaires de meurtres notamment commis par ou dans le Milieu. C'est une problématique bien connue dans le cinéma américain, un peu moins en France.
La deuxième, c'est la fragilité d'une carrière. Cette problématique n'est évidemment pas réservée à la police mais elle y est probablement plus fréquente du fait de la nature de l'activité. Un policier peut être considéré comme très bon (Ici, le policier reçoit même la légion d'honneur pour "services rendus") pendant une grande partie de sa carrière. Il suffit d'un évènement fortuit ou une erreur ou une "maladresse" (ici, le policier ne prend pas la mesure des menaces du fils d'un ténor du barreau pourtant largement en tort) et la hiérarchie oublie brusquement tous les "bons services rendus" pour se couvrir.
Dans "Dernier domicile connu", le flic en question est interprété par un Lino Ventura remarquable dont le rôle lui est, quand même, assez bien taillé sur mesure. C'est un policier fonceur aux méthodes parfois expéditives mais efficaces.
Suite à son faux-pas, il joue un flic désabusé car placardisé et confiné aux tâches subalternes dans un commissariat de quartier à Paris. Même ses collègues, supputant l'histoire croquignolesque, ricanent dans son dos.
Mais il est du genre "taureau" ou "pitbull", aucune tâche ne le rebute, il a un sens inné de la discipline et il obéit avec ténacité en mettant sa rancœur au vestiaire.
On lui confie une enquête délicate et on lui adjoint une nouvelle venue, une oie blanche fraîchement débarquée de sa province. Le rôle est tenu par une jeune Marlène Jobert qui découvre un métier reposant sur un travail de fourmi pour arriver à mener une enquête ou une recherche. Elle y découvre même une certaine exaltation. J'avouerais bien volontiers qu'au début de sa prestation, l'actrice avait tendance à m'horripiler avec ses questions à la noix ou ses approches lunaires ou simplistes qui ressemblaient à un sur-jeu de sa part. Puis peu à peu, le duo Ventura/Jobert prend de la consistance et la mayonnaise prend vraiment. Par sa fraîcheur, Marlène Jobert finit par se rendre indispensable au bon avancement de l'enquête. Même un vieux machin comme Ventura finit par le reconnaître et à l'apprécier professionnellement.
Jusqu'à la fin tragique.
Comme souvent dans ses films, José Giovanni sait s'entourer d'une bande d'acteurs typés et typiques pour les seconds rôles qui apportent le sel au film. Et comme souvent, il ne se contente pas d'une façade car il fouille un peu chacun des personnages pour mieux les valoriser.
Michel Constantin en tueur dur et insensible, Paul Crauchet en rêveur incompris (de sa femme), Marcel Pérés en concierge malade, ...
La musique (François de Roubaix), mélancolique, appuie bien l'ensemble du film.
Finalement, c'est un film noir où on se prend volontiers au jeu de l'action menée par le duo Ventura/Jobert même si le film laisse un goût un peu amer à la fin.
De la belle ouvrage.