Porté par la sublime partition de François de Roubaix (à mon sens sa meilleure), Dernier domicile connu est un film de personnages. Réalisé en 1970, le film met en vedette un duo de flics atypique. D’un côté, tout droit issu de l’ancien ancien monde, feutre sur la tête, Lino Ventura incarne le vieux cheval blasé, aux méthodes rigoureuses et rugueuses mais efficaces. De l’autre, en toute jeune apprentie, Marlène Jobert joue les naïves idéalistes. Une femme chez les poulets, pour sûr, on entre dans un nouveau monde même si elle court beaucoup derrière Lino dans le film et joue longtemps les utilités avant de se rendre particulièrement utile.
Comme toujours chez José Giovanni, le sujet annonce du rythme et de la castagne, mais le traitement est plutôt nonchalant. Désireux de brosser un portrait réaliste d’une enquête à l’ancienne (porte-à-porte, lecture de registres) dans les rues de Paris, il s’échine à prendre son temps et à s’attarder sur les détails. Réalisation plutôt austère pour une enquête qui l’est tout autant, le metteur en scène se perd dans quelques visions malheureuses mettant en images les rêveries de Marlène Jobert ou quelques clichés (la déposition au tribunal). Quelques fautes de mauvais goût qui ne gâtent cependant pas le résultat. Si l’enquête n’est, par ailleurs, guère passionnante et si l’ensemble manque de tension, l’essentiel est ailleurs.
L’essentiel, c’est Lino Ventura, formidable de naturel encore une fois dans son rôle de flic obstiné broyé par un système qui ne lui rend pas justice. L’essentiel, c’est le duo improbable qu’il forme avec une Marlène Jobert en femme-enfant qui rêve d’aider les autres et qui se rend compte que certaines choses sont impossibles dans ce métier qu’elle a fantasmé. L'essentiel, c'est la présence de quelques gueules ici ou là, à commencer par celle de Paul Crochet dans un rôle de doux rêveur. Le message de José Giovanni manque évidemment de subtilité mais il donne à ce film bien maîtrisé une tonalité amère et mélancolique qui fait indubitablement sa réussite. La musique fait le reste.