On peut lui reprocher mille choses à « Detachment ». Son traitement, sa réalisation, son « détachement » (rires) constant vis-à-vis de son sujet principal... Oui mais voilà : celui-ci a des choses à dire, dégage une intensité et une émotion constante, propose des personnages comme on a rarement l'habitude de les voir. Très loin d' « Entre les murs » (superbe film au demeurant), Tony Kaye préfère ici s'intéresser à la vie de son héros en général, au lycée donc (celui-ci est prof d'anglais), mais aussi à l'extérieur, dans sa vie privée. Ce qui frappe alors, c'est le discours très éloigné de ceux tenus habituellement. Nous avons ici droit à une œuvre désabusée, « malade », triste... Et pourtant ça passe, justement parce que les personnages sont extrêmement crédibles, que ce soit leurs réactions que les échanges qu'ils peuvent avoir entre eux, mais aussi avec leurs élèves, comme en témoigne cette scène aussi incroyable que jubilatoire entre un James Caan au sommet de son art et un adolescent le provoquant. Il y a quelque chose de profondément sincère dans cette œuvre ne cherchant pas à voir le Mal partout, simplement à interpeller, à faire réagir. Il suffit d'ailleurs de voir l'évolution étonnante concernant la classe d'Henry Barthes avec ce dernier pour s'en convaincre. Alors pour le coup, ce n'est effectivement pas très crédible, mais c'est bien de garder un minimum d'optimisme et d'espoir, même s'il reste très discret. Porté par un Adrien Brody très « oscarisable » mais non moins remarquable, et des seconds rôles impliqués (Marcia Gay Harden, Sami Gayle, Christina Hendricks, Lucy Liu, Blythe Danner, Tim Blake Nelson, Bryan Cranston et donc James Caan : excusez du peu), « Detachment » est une œuvre qui ne laisse pas indifférent : ne serait-ce que pour cela, elle mérite le déplacement.