Loin de la radicalité et du misérabilisme des films de leurs début, les frères Dardenne, que certains diront assagis, d'autres affadis, livrent avec ce Deux jours, une nuit un portrait brillant des dégâts d'une économie déshumanisée. Moins aride et brutal, peut-être donc plus distant et froid, mais tellement plus appréciable, moins à fleur de peau, leur film décrit à la perfection l'inhumanité sans chercher à la décortiquer où à s'engager contre, et réserve aussi ses belles scènes où l'humanité dépasse tout (et souvent en musique) pour venir redonner de l'air frais et donner raison au soleil qui irradie le week-end éprouvant que traverse notre héroïne, campée par Marion Cotillard, qui prouve encore une fois qu'elle est une actrice à l'aise partout, même si elle en fait (comme toujours) un peu trop.
Mais ce trop c'est aussi la marque dommageable des frères Dardenne qui ne peuvent s'empêcher de briser le réalisme qu'ils tentent d'instaurer avec des situations "trop" ; leur histoire qui est malheureusement une réalité pour beaucoup, aurait gagné en force si le personnage central n'avait pas souffert de tous les maux qui l'accablent et gagné en pugnacité à la rendre moins victime. Mais la force perdue se retrouve dans les moments d'émotion pure délivrée par quelques unes des rencontres de l'héroïne avec ses collègues, rencontres maladroites, fugaces, sur un pas de porte, violentes parfois, humaines souvent, dont la répétition volontaire plonge le film dans une douloureuse réalité.