Je suis un fidèle du cinéma de Cédric Klapisch, mais avec la pâlotte Ana Girardot et le gendre idéal François Civil dans les deux rôles principaux, ce n'était pas gagné d'avance pour "Deux moi" - d'autant que le dernier film du réalisateur m'avait clairement déçu ("Ce qui nous lie").


Et pourtant, j'ai passé un vrai bon moment devant cette fausse comédie romantique


(jolie idée de décaler sans cesse la rencontre des deux héros, qui ne survient que lors de l'ultime scène).


Je me suis progressivement laissé gagner par l'énergie singulière de "Deux moi", sa justesse de ton, son atmosphère plus douce qu'amère, son scénario simple mais efficace, ses personnages secondaires souvent attachants (cf le caméo hilarant de Pierre Niney)…


On retrouve avec plaisir l'univers klapischien, cette réalité pas tout à fait réaliste, avec les immenses appartements improbables, la grande ville cosmopolite et accueillante, l'épicier arabe un peu philosophe, les coiffeurs antillais qui viennent du Mali, et les traditionnelles scènes dans le métro…
Et puis les comédiens récurrents qui peuplent cet univers, de Simon Abkarian à Zinedine Soualem, en passant par Garance Clavel et la centenaire Renée Le Calm (RIP), sans oublier le chat, ni Klapisch himself pour son habituel caméo. Bref, un microcosme chaleureux et rassurant.


Comme dans ses œuvres les plus emblématiques, le réalisateur francilien n'a pas son pareil pour observer et restituer les comportements de la génération des trentenaires citadins de la classe moyenne, un peu paumés et immatures, un peu bobos mais porteurs de valeurs positives (solidarité, écologie, quête du grand amour…).
Après Romain Duris, Audrey Tautou ou Cécile de France, ces nouveaux adulescents ont le visage de François Civil, Ana Girardot (déjà présents dans "Ce qui nous lie") et Eye Haïdara, c'est à dire des comédiens ni trop beaux, ni trop glamour, dans lesquels le spectateur lambda pourra se reconnaître.


Or l'originalité spécifique de "Deux moi" consiste à ausculter les maux de cette génération - inhérents aux évolutions de la société égratignées par Klapisch (individualisme, uberisation du monde du travail, virtualisation des moyens de rencontres…) - afin de lui offrir une psychothérapie collective, via celle vécue par les deux héros, qui illustrent bien les pathologies majoritairement répandues (notamment le fait de ne pas s'autoriser à être heureux, le mal qui ronge Mélanie).


Certes, cette approche pourra sembler artificielle, et les sentences balancées par les deux psys apparaîtront parfois simplistes et sans grande profondeur. Mais les prestations convaincantes de François Berléand et Camille Cottin aident à faire passer la pilule, d'autant que le métier et le rôle de psychothérapeute sont finalement bien représentés, avec une modestie bienvenue.


Malgré son aspect décousu et quelques maladresses, "Deux moi" constitue donc un agréable divertissement en mode feel good movie, dans lequel Cédric Klapisch propose quelques jolies idées de mise en scène, à l'image des deux sœurs qui se téléphonent au moment précis où le train de l'une passe sous les fenêtres de l'autre...

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le 26 févr. 2020

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Val_Cancun

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