« Car pour que deux "moi" fassent un "nous", il faut que ces deux "moi" fasse un "soi" ». Voilà le fil rouge du nouveau film de Cédric Klapisch Deux moi, que l’on suit au travers de deux personnages, Rémy et Mélanie perdus dans l’anonymat du grand Paris. 
Klapisch s’amuse à jouer avec les codes de la comédie romantique dans ce chassé-croisé Parisien. Il joue également avec son public, frustré et impatient de voir leur amour naissant. On suit donc leur histoire, leur routine, leurs doutes et leurs victoires. On suit finalement deux routes parallèles, pourtant uniques dans leur similarité.
 Car, tel est l’enjeu du film : dépeindre les difficultés de la nouvelle génération face à une vie qui offre toujours plus de choix, qu’elle en termine par nous restreindre. Montrer que l’on est unique sur des réseaux sociaux qui conforment, communiquer par des messages qui peuvent avoir des dizaines de sens, devoir se démarquer dans un monde qui cherche à nous standardiser, voilà les batailles que doivent livrer Rémy et Mélanie. 
François Civil et Ana Girardot arrivent à retransmettre ce sentiment de solitude, d’être perdu dans un monde en perpétuel évolution, hésitant entre la sécurité de la routine et l’étincelle du changement. Chacun décrit une isolation particulière ; l’une si penchée sur les réseaux sociaux qu’elle en enchaine les rendez-vous ratés, et l’autre, pas assez connecté pour faire la moindre rencontre. 
Face à des psy pour l’un franc et indélicat, et l’autre philosophiquement vague (respectivement François Berléan et Camille Cottin, tous deux formidables dans leur second rôle), Klapisch attache une grande importance à montrer la singularité de chacun, non pas par leur présent mais par leur passé. 
C’est ainsi qu’il traite - parfois avec longueur - des thèmes qui font écho à tout le monde ; du traumatisme du passé à la crainte du futur. Mais le réalisateur ne manque pas de mettre une touche de légèreté à son film par des scènes d’humour touchante, plaçant un peu d’optimisme sous le ciel gris de Paris. 
Car si on osait lever la tête, sortir de notre cercle et regarder ailleurs, rencontrer d'autres regards, on y verrait la même solitude, le même espoir. On verrait aussi une vie haute en couleur, offrant dans un seul quartier de Paris toute la surprenante beauté de la diversité. 
Klapisch dirige une caméra humaine et humaniste, attentive au contact entre les gens, qu’il soit physique ou visuel. Deux moi porte un intérêt particulier au regard et au toucher, aux yeux et aux mains, premiers vecteurs de sensations. 
Rémy et Mélanie nous ouvrent les portes des dessous d’une future histoire d’amour, ou comment la vie les a mené l’un à l’autre lentement mais surement, comment ils ont dû se préparer pour mieux se rencontrer. C’est une très belle leçon de vie que nous offre Klapisch, non pas transcendante mais vraie, celle qu’il faut être heureux avec soi-même avant d’être heureux avec quelqu’un. Il ne tire pas son inspiration des héros, des gens qui se démarquent, mais bien de ceux qui souffrent intérieurement, secrètement, et qui tentent de se battre pour être heureux. 
Mais parfois…il faut tout simplement faire confiance à la vie !

katell-lm
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le 22 sept. 2020

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