« Elles obtiennent ce qu'elles veulent de leurs hommes ; pas en trépignant, mais en les laissant croire que ce sont eux qui décident. C'est là que réside l'art d'être une femme. »
Malheur à la fille Boleyn* qui ne suit pas ce conseil maternel, qui force la main du mâle... surtout si c'est celle du souverain !
The Other Boleyn Girl nous conte les (més)aventures d'Anne et de Mary, sœurs jetées dans les bras d'Henri VIII pour les besoins du royaume … et les intérêts de leur famille.
Dans un cadre luxueux mais confiné, étouffant, la caméra de Justin Chadwick, en retrait, ''voyeuse'', nous livre un moment particulier des arcanes de la Cour d'Angleterre, fait raisonner les bruits de couloir, les coteries, les chuchotements, les rebondissements et leur impact --- le plus souvent douloureux --- sur les deux jeunes femmes.
So... the Boleyn whores. Two former ladies of mine. [Catherine d'Aragon, reine sur le point d’être répudiée]
Natalie Portman est une Anne superbement arriviste, jalouse, méchante même, quand celle qui tient le rôle de son aînée, Scarlett Johansson, incarne magnifiquement la sagesse et le sacrifice. À leur côtés, des acteurs tout aussi convaincants (moins pour ce qui est d'Eric Bana) : David Morrissey en oncle calculateur et autoritaire ; Mark Rylance en père intrigant et veule ; Kristin Scott Thomas en mère blessée et résignée ; Eddie Redmayne en William Stafford discret et dévoué.
Hormis ce casting aux petits oignons, il faut faire valoir les décors, les costumes et la photographie, sublimes, qui offrent à plusieurs reprises des tableaux saisissants.
Laideur et misère des courtisanes
Les historiens (spécialistes et amateurs) renâcleront sans doute, arguant tout particulièrement que la rupture de l'Angleterre avec Rome --- occasionnée par la répudiation de la reine d'Angleterre Catherine d'Aragon et l'hostilité du pape Clément VII à cette décision --- est traitée par-dessus la jambe alors qu'elle eut lieu après une procédure de près de dix ans et marqua un tournant dans l'histoire du pays.
Or le film ne s'intitule pas Le Schisme ; il ne traite pas de la réforme religieuse Outre-Manche mais de l'ascension fulgurante et de la chute tout aussi foudroyante d'Anne Boleyn ; plus encore, probablement, cette œuvre prétend, en 2008, quelques années donc avant les assauts féministes, traiter explicitement d'une certaine condition féminine (celle de la courtisane) dans l'Angleterre de la première moitié du XVIe siècle.
En marge du faste et des honneurs coutumiers, il nous est montré à quel point l'existence de femmes a priori privilégiées pouvait être précaire (y compris celle de la première dame du royaume). Les caprices des monarques et ceux de son entourage avaient pouvoir de vie et de mort sur des sujets pourtant bien nés et/ou haut placés.
Deux sœurs pour un roi parvient d'ailleurs à forger une tension constante, oppressante, quasi-palpable.
Pour finir, un petit regret et une question :
-- n'aurait-il pas été judicieux de suivre Anne lors de son exil hexagonal ? de nous la montrer auprès de la reine Claude (qui ne comptait pas pour des prunes) ? de brosser ce portrait contrasté des mœurs de la Cour française évoqué furtivement (d'abord par la mère d'Anne, puis par Anne elle-même, une fois de retour) ?
-- pourquoi le film nous montre-t-il un Henri VIII poussant Mary dans son lit mais incapable d'en faire autant avec Anne et cédant à ses desiderata jusqu’à mettre en péril son trône et la paix civile ?
Reste que The Other Boleyn Girl, lent, beau, pensé --- donc « chiant » pour le néo-humain --- est une œuvre en tous points remarquable, avec un final bouleversant.
*
Anne le paiera cher. Accusée d'inceste et de haute trahison, elle est décapitée en 1536.
Le hasard a voulu que le jour du visionnage de ce film, l'inceste frappe une seconde fois en la personne de Christine Angot, invitée de France Culture à l'occasion de la sortie d'un nouvel ouvrage sur ce thème, décidément bien juteux pour elle. Je ne pensais pas m'esclaffer à propos d'un tel sujet, mais l'indigence et le ridicule de l'écrivain.e.use.rice sont tels...
L'expression « parler pour ne rien dire » semble avoir été créée pour la pauvre Christine, si creuse et si prétentieuse qu'au-delà du rire, elle parvient à susciter gêne et miséricorde...