Entre subversion du film catastrophe et critique acide de la machine politique, économique et médiatique, le meilleur satiriste d’Hollywood livre un film incisif, drôle et tragique sur notre époque.
A l’instar de The Big Short, Mckay nous offre un tour d’horizon des acteurs jouant un rôle dans la catastrophe qui arrive. Du personnel politique et médiatique incompétent et cynique, de la population qui raffole de ces distractions, le film proposerait presque un manuel pour les nuls pour activiste climatique (action sur les dirigeants, les médias, les institutions, rôle des artistes, influenceurs…). Mais ici, les personnages ne s’amusent pas à briser le 4e mur pour nous expliquer la situation (comme dans The Big Short). Le « Show don’t tell » est à l’honneur. Mckay, comme ses protagonistes, ne veut pas simplement expliquer la catastrophe, mais bien rendre sensible ce qui est de la découverte scientifique. Il faut faire ressentir l’urgence, et tous les moyens sont bons. Crier sur un plateau télé, se retenir, discuter avec la présidente, l’insulter, chanter, réaliser un film ; La vérité doit sortir. Or, les obstacles ne sont pas d’ordre surnaturel. Les éléments de corruption et de conflit d’intérêt des corps administratifs, politiques et médiatiques (certes caricaturaux) sont disséqués avec talent. Aucun héros ou miracle ne peut sauver la planète, mais il n’y a pas de fatalité. Le salut repose sur des choix, des combats, des erreurs à éviter ; que de l’humain là-dedans. Le film opère un démontage en règle de la promesse futuriste des techno-milliardaires (allusion à Elon Musk à peine cachée) qui tendent à confondre leurs intérêts financiers, et de classe, avec celui de l’humanité ; un rappel certes pas très original, mais toujours bienvenu. L’humour absurde carbure durant tout le film, et McKay privilégie le banal champs/contre champs pour y disposer ses dialogues, dans une mise en scène finalement peu audacieuse.
Le film est une satire tantôt juste, tantôt grossière, mais toujours drôle (hormis le dernier acte, résolument plus grave). On prend un réel plaisir à voir Dicaprio et Jenipher Lawrence se confronter à l’exaspérant duo mère/fils présidentiel. Merryl Streep campant une Trump 2.0 est parfaite dans le rôle. On peut juste se demander si, ce dernier n’étant plus au pouvoir, ce film n’arrive pas un peu tard. Une critique de l’inaction des représentants politiques libéraux, centristes, « sérieux », et du greenwashing aurait été bien plus contemporaine, au risque d’être moins consensuel pour l’audience Netflix.
Cette subversion du film catastrophe se termine avec la victoire du tragique sur la tentative techno-optimiste. Le dernier repas des protagonistes, acceptant leur défaite, rappelle que ce combat ne doit pas seulement être mené pour être gagné, mais tout simplement parce qu’il est juste. Ainsi, sans échappatoire, il ne reste que la grâce, habilement symbolisée par le bénédicité. On regrette de n’avoir pas passé plus de temps à ce dîner, la scène étant rapidement écrasée par la machine scénaristique. « We really did have everything » rappelle le docteur Mindy, mais on aurait voulu voir durer ce moment de gratitude et de réconciliation avec le présent. Ce n’est que dans la longueur qu’une scène peut vraiment prendre de l’ampleur. On retrouve ce même problème dans le traitement du mouvement activiste contre la présidente. Le montage est expéditif. Ce mouvement manque de charnel, de fraternel, de créateur ; réponse nécessaire à la solitude anxieuse et angoissante des deux protagonistes, éveillés sur la gravité de la situation. Quelle place pour l’individu, la communauté, les actions collectives locales dans cette lutte de titan ? Où est la joie, le sentiment de puissance que procure le passage à l’action ? Non. La contestation est désespérée ; Greta le seul espoir.
Ce film, résolument ancré dans son temps, demeurera un puissant témoignage, à défaut d’être un grand film.