Déjà auréolé de succès avec The Big Short, Adam McKay décortique avec Don’t Look Up un autre(ment plus) grand phénomène affectant notre société contemporaine : celui de la crise climatique. Certes, il opte dans un souci de « confort » et d’illustration pour une allégorie autrement plus concrète dans son essence, celle d’une comète tueuse de planète, mais le discours vaut et se tient qu’importe la forme de notre annihilation.
Il fait ainsi écho à The Dead Don’t Die de Jim Jarmusch, lui qui dépeignait déjà notre attentisme coupable par l’entremise d’un film de zombie lunaire mais bel et bien mordant. Leurs différences de traitement les distinguent toutefois très nettement, le ton moqueur, voire carrément vulgarisateur, de Don’t Look Up lui conférant des allures de satire féroce mais réfléchie : car si la réalité qu’il dépeint tend à grossir le trait dans le moindre de ses compartiments, elle n’est pas tant éloignée de la nôtre... ce qui tient lieu de constat démoralisant au possible.
Si le long-métrage risque de virer souvent au dépressif, le jeu d’équilibriste auquel se prête Adam McKay lui permet toutefois de prétendre à davantage : la farce est de fait bien souvent désopilante à sa manière, que le rire soit jaune, contrit ou purement noir, le récit alternant entre caricatures bien senties et jeux d’acteurs au diapason de l’absurdité ambiante. Mieux encore, l’ensemble ne vire jamais au grand n’importe quoi, nulle ligne rouge n’y est franchie : gardant en ligne de mire l’imminence d’une catastrophe planétaire, l’intrigue oscille avec justesse entre tenants et aboutissants macros et les luttes et réflexions micros d’une excellente galerie.
Bref, toutes les castes en prennent pour leur grade, qu’elles soient politiques, médiatiques, industrielles ou publiques. Dirigé aux petits oignons, Don’t Look Up s’élève ainsi au rang d’œuvre puissante et engagée, profitant à n’en plus finir des bienfaits d’un casting irréprochable et d’une satire polymorphe. Formellement, McKay maîtrise tout autant son sujet en optant pour un rythme endiablé, quoique à même de lever le pied pour développer ses propos et atmosphères ; capable de coupes effrénées (première rencontre présidentielle, la caméra détaillant à loisir les tics et atours Janie Orlean) comme d’un soupçon de contemplation, le film s’arroge une signature franchement brillante.
Au rang des menus reproches pour finir, la pertinence de quelques archétypes confinent à la circonspection, telle cette réaction outrancière de Phillip (qui ira jusqu’à signer d’un article pour se « désolidariser » de Kate), sorte d’évènement mineur dans le fond mais symptomatique des défauts du film. Les tourments sentimentaux de Randall, sorte de sous-intrigue approfondissant le dévoiement qu’opère le système sur les plus honnêtes d’entre tous, nous convainquent enfin à moitié à l’instar des déboires de Kate (qui, elles, s’en donnent à cœur joie en termes de clichés).
Dommage enfin que Don’t Look Up soit autant autocentré sur la position états-unienne, bien qu’il ne soit pas ici question de son usuelle prédominance (du moins pas dans sa forme salvatrice et épique) : les puissances russes, chinoises etc. seront de fait vaguement citées pour appuyer l’échec de l’humanité, mais c’est bien tout. Le procédé se justifie toutefois à l’aune des parcours de Randall et Kate, personnages principaux tout désignés que le récit suivra en grande majorité.
C’est d’ailleurs bien pour cela que son dénouement amer au possible fait diablement mouche : capitalisant sur notre empathie pour ces derniers, le propos limpide du film entremêle leurs destins au nôtre, et nous invite par voie de fait à réfléchir sur le poids de nos (in)actions... avant que le ciel ne nous tombe pour de bon sur la tête.