Jusqu’à présent, Adam McKay était surtout le réalisateur de comédies potaches efficaces mais sans grande ambition. Mais comme on dit, les temps changent. Et pas qu’un peu. Pour sa première production Netflix, McKay sort l’artillerie lourde à tous les niveaux pour un résultat très surprenant. Deux astronomes découvrent une nouvelle comète. D’après leurs calculs, celle-ci va détruire notre belle planète dans six mois. Ça laisse tout juste le temps de finir de regarder la dernière saison des Feux de l’Amour, de scroller jusqu’à la fin du feed d’Insta et éventuellement de réfléchir à comment on va pouvoir éviter le cataclysme. Enfin ça, c’est si on en a vraiment envie. Car au fond, qui veut savoir qu’il va mourir ? Et surtout, y a-t-il un moyen de monétiser ce non-avenir ?
La première force du film est son interprétation. Di Caprio est toujours une valeur sûre et ici encore, il fait des merveilles. Tout pareil pour Jennifer Lawrence qui nous avait manqué. Et idem pour tous les autres (Streep, Blanchett, Hill …). Un casting 5 étoiles qui témoigne d’une capacité à séduire et à rassembler. D’une mise à disposition par Paramount puis Netflix d’un pognon de dingue aussi. Et c’est là que ça devient intéressant car on ne peut pas parler d’un cinéma indépendant mais d’une production industrielle. Pourtant, le sujet est fort. On le dira au choix, casse gueule ou consensuel. Derrière cette histoire de comète, il y a à la fois le dérèglement climatique et la crise du COVID. Le dire est enfoncer une porte ouverte mais c’est visiblement nécessaire étant donné le nombre de spectateurs qui n’ont pas compris … A ce jeu de la métaphore, le film est réellement féroce dans son humour noir et dans sa caricature au vitriol des médias, de l’inconséquence politique, de la manipulation des faits établis, du mépris du savoir, de l’inconscience des systèmes économiques. On s’y croirait. Du coup, c’est vraiment très (très) drôle et affreusement consternant. A tel point qu’il y a au bout d’un moment une forme de malaise quand on comprend que le jour venu, on nous enverra dans le mur. Et ce jour, c’est maintenant. Alors quid de la croissance verte ? Du capitalisme à visage humain ? Du progrès à coup de pétrodollars ? Que faire de toutes ces contradictions (ces oxymores) ? Sont-elles les formules magiques des grands manitous des GAFAM pour sauver le monde à l’image de la firme Bash dans le film ? Ou juste un leurre destiné à apaiser les petites gens ? Flippant en effet. Et si on en revient à nos considérations de production de ce film, on se dit qu’il y a une certaine ironie dans cette situation. Ce film est probablement le plus fort que j’ai pu voir sur le sujet du changement climatique, un film militant donc. Et c’est Netflix qui le produit parce que c’est un divertissement comme le dernier Marvel, ni plus ni moins. Au fond, la vraie magie du capitalisme ne sera pas d’éviter la fin du monde le jour venu mais de nous faire aimer la manière dont elle nous sera racontée. Un film brillant à tout point de vue et sacrément dérangeant quand on prend le temps de le remettre en perspective. On applaudit, tant qu’on peut.