Dressé pour tuer par Garrincha
Sammy Fuller est un petit filou. Pendant 30 minutes, il nous vend son film comme un vulgaire Cujo, soit un slasher à base de toutou devenu foufou. Mais non, ouf de soulagement, il ne s'agissait que d'un bon petit macguffin des familles, le vrai sujet du film se révélant être bien plus passionnant que ce que ce pitch de départ laissait craindre.
Bon, bien sûr, nous sommes dans les désastreuses années 80, décennie durant laquelle l'humanité dans sa globalité a semblé mener une guerre féroce, sanglante et vicieuse avec le bon goût, et forcément le film en pâtit un peu, surtout aux départements costume et photo... Et puis il faut dire que côté cast, des effluves de série B se font allègrement sentir, tant le niveau de jeu des acteurs m'a pour le moins laissé perplexe, et m'a parfois empêché de me sentir concerné par l'intrigue du film. Bref, le film accumule les faux pas, mais s'extirpe d'un viandage en règle par une pirouette scénaristique qui ramène les enjeux vers un terrain connu et on ne peut plus bourbeux, celui de la question raciale aux Etats-Unis.
La belle idée du film, c'est ce concept de white dog, qui signifie chien tueur de Noirs mais qui dans sa traduction littérale évoque tout aussi bien une forme de pureté et d'innocence. En choisissant de faire porter à ce suprématiste canin tout le poids du racisme et de la haine ordinaire qui gangrènent les USA depuis toujours, le scénario en soulève de manière ingénieuse la problématique : les premières victimes de l'endoctrinement seront toujours les endoctrinés eux-mêmes.
Visuellement, cette idée se traduit plutôt bien je trouve par le passage du blanc au rouge du pelage du chien, selon que celui-ci soit en pleine dégustation de Noirs ou pas : ça marche, non pas parce que c'est subtil, mais parce que l'image est simple et terriblement efficace.
Par contre, Fuller se laisse parfois entraîner sur les sols toujours embarrassants des bons sentiments, avec moult monologues poignants emplis d'humanisme sur une BO qui n'y va pas par quatre chemins et balance les gros violons sans trop se faire prier. Mais bon, on lui pardonne aisément, d'autant qu'il finit son film sur une note à la fois cruelle et d'une grande lucidité, qui me laisse à penser qu'encore une fois le saligaud s'est peut-être joué de moi en me faisant avaler toute cette guimauve, qui n'était là que pour mieux me manger sur le finish...
Un filou, je vous dis.