Non, ce n'est pas le Transporteur
Nicolas Winding Refn est un génie. A l'origine un film de commande banal comme on en trouve malheureusement trop de nos jours (on peut penser à Fast and Furious ou le Transporteur), il a réussi à tirer profit d'un scénario simple pour en extraire toute l'essence pour porter à l'écran une œuvre aboutie, sans temps mort et esthétiquement sublime.
Car, lorsqu'on regarde la bande annonce, on peut envisager le pire. D'ailleurs une américaine a porté plainte car elle n'y a pas trouvé son compte lorsqu'elle est allée au cinéma. S'attendant un autre blockbuster à explosions multiples déclenchées par des méchants très méchants et aux gentils pas si gentils mais qui ont tout de même une sensibilité extraordinaire vis-à-vis des injustices. Hollywood sait le faire. Tristesse. Et c'est d'ailleurs dans cette optique que les producteurs se sont adressés au trublion danois. D'abord peu voire très peu intéressé par ce projet, il a finalement accepté et a décidé de mener le projet d'une toute autre manière. En découle un de ces films dont on ne ressort pas indemne, qui nous trottent dans la tête encore plusieurs jours après le visionnage.
Car amener un blockbuster à un film épuré de la quasi-totalité des dialogues la plupart du temps ridicules dans le genre avec une bande son tout ce qu'il y a de plus électro avec des acteurs on ne peut plus convaincants et une histoire aussi prenante est un véritable tour de force de la part du réalisateur.
Et le film n'est pas à un seul moment pompeux pour autant. Ryan Gosling joue avec brio un jeune surdoué assez réservé et la mise en scène reste toujours sobre et efficace. La caméra à hauteur d'épaule nous rapproche toujours plus du personnage et de ses mésaventures, elle peut parfois devenir magique grâce aux jeux des lumières de certaines scènes et notamment celle de l'ascenseur. Le héros profite de cet instant qui semble durer des heures. On se délecte de voir ce baiser tant attendu et pourtant si bref et on comprend tout de suite ce que le héros compte faire. D'autant plus dure est la rupture quand la musique s'arrête net et que le héros défonce littéralement le crâne du tueur envoyé et prêt à passer à l'acte juste à côté de lui. Nicolas Winding Refn créé à la fois un moment d'intense émotion visuelle et auditive et une scène d'une rare violence.
La violence est d'ailleurs omniprésente dans le film mais même si crue et plutôt très dégoutante, Winding Refn n'en fait pas l'apologie. Bien au contraire. Il cherche constamment à montrer que son personnage principal n'a pas le choix, il le fait pour survivre. Certains voudraient le comparer à Tarantino par rapport à cela sauf que ce dernier s'amuse de cette ultra violence, la rend jouissive et drôle comme dans son Inglourious Basterds. Ici, rien n'est fait au hasard, chaque geste est pesé et même si Ryan Gosling dépasse les bornes et ne s'arrête plus jusqu'à la mise à mort de son adversaire, il n'en a véritablement pas le choix.
Le scorpion omniprésent à l'image dans le dos de sa veste fait d'ailleurs référence à sa personnalité : très calme si quelqu'un vient l'agresser, il devient très vite très violent pour se défendre et mieux vaut s'en méfier.
Bref, on est très loin du blockbuster escompté et tant mieux ! A l'écran, une œuvre aboutie de long en large, bouleversant, attachant, violent, parfaitement mené par le réalisateur comme les acteurs. A voir absolument.