Un petit rappel s'impose sur la précédente sortie de notre Denis Villeneuve, Blade Runner 2049, qui avait laissé le public sur la touche : trop long, trop lent, trop contemplatif ... Bah oui, le Denis, il a beau utiliser un budget de blockbuster, reprendre une licence de Science-Fiction qui a marqué le cinéma, lui il ne fait pas du blockbuster hollywoodien grassouillet bien abrutissant qui se contente d'entrecouper des scènes d'explosions vues et revues avec des dialogues écrits avec les pieds.
Non, lui il voulait poser une atmosphère, laisser du temps pour les silences, et parfois on avait droit à une scène d'action expédiée avec la froideur d'un androïde. Seulement pour le grand public, ça coince avec le format habituel, et le film n'a pas vraiment marché au box office ...
Il revient donc à l'attaque avec Dune, une autre énorme licence de SF, ou d'autres sont tombés avant lui, mais cette fois, il vous a entendu public. Vous vouliez de l'action et des explosions ? Du grandiose mais une histoire qui avance ? Foncez, vous serez servis.
Le livre semble avoir été très bien digéré, et le choix de la séparation en deux parties distinctes est une merveilleuse idée : il peut ainsi tranquillement prendre son temps pour exposer le complexe échiquier politique régnant autour de Dune, ses différentes factions, son vocabulaire et ses traditions particulières, en entrecoupant le tout de scènes d'actions dynamiques, le tout étant maintenu à un rythme soutenu pendant toute la durée du long métrage (2h30!).
(Familier du livre et du précédent film, l'exposition des conflits et multiples personnages m'a semblé limpide.)
Je ne comprends vraiment pas les avis qui lui reprochent à nouveau d'être mou ou contemplatif, alors qu'il y a un travail sur le montage, parfois trop intrusif, pour dynamiser les scènes de discussions ou de tension, en les entrecoupant avec des scènes de courses poursuites/combats se tenant en parallèle ; de même, beaucoup de plans auraient, à mon gout, mériter qu'on s'y attarde plus longuement (je pense par exemple au diner Harkonnen/Duc Leto, magnifiquement composé, ou celui sur la ville détruite observée par Paul et Jessica, lourd en signification), et des scènes entières, comme celle de la marche arythmique dans le désert, auraient pu servir de temps de pause et de respiration pour le spectateur. Seulement voila, le mot d'ordre comparé à la dernière fois était le suivant : PLUS DE RYTHME, alors il a fallu, à mon regret, dynamiser le tout. Néanmoins, bien qu'il ait poussé le curseur plus loin, les afficionados de Paul W.S. Anderson ne seront certainement pas satisfaits et c'est pour le mieux.
Visuellement, ne tournons pas autour du pot, c'est splendide en tout point.
Les choix de DA pour les vaisseaux sont tout bonnement géniaux : étrangement lisses et sphériques, inconfortablement trop nets, mais surtout incroyablement volumineux et grandioses, il en émane un sentiment de démesure qui traverse tout le film. Il en va de même pour les costumes, des bene gesserit aux combinaisons fremen, les vêtements officiels des Atréides ou encore les tenues de combat des soldats, harkonnens ou sardaukars, tout est clairement identifié et singulier. La sauvagerie barbare des harkonnens nous est visuellement exposée avant même qu'on ne les voit agir, tandis que le mysticisme cryptique des sœurs Bene Gesserit est palpable.
Le tout magnifiquement mis en lumière par Greig Fraser, que l'on avait déjà pu dernièrement remarquer dans Rogue One ou Vice, qui jongle ici en permanence entre deux valeurs de plans, le gros plan et le plan d'ensemble. Le premier nous rapproche des multiples personnages que le film nous présente, on pensera notamment à ce visage de Chani qui hante Paul, tandis que le second nous replace encore et toujours en tant que fourmis face au gigantisme écrasant de Dune, qu'il s'agisse des bâtiments, des divers vaisseaux, de la ville, ou bien évidemment du Shai'Hulud. Pour avoir eu la chance de le découvrir en IMax, je ne peux que vous conseiller de faire de même, les séquences de vol, de combats ou de simples plans d'expositions sont tout simplement saisissant.
Mention spéciale à toutes les scènes contenant le Baron, écrasant de cupidité et de malice, il a toute la prestance que l'on pouvait rêver.
Je voudrais souligner certaines idées de mises en scènes qui m'ont frappées, à commencer par la représentation des boucliers à énergie. Plutôt que de se contenter de mettre un coup de jeune (bien mérité) à la version proposée par Lynch, on opte ici pour un code couleur ludique : le bouclier bleu indique la protection, tandis qu'il passe au rouge lorsque l'utilisateur peut se faire toucher. Non seulement il s'agit d'un choix esthétiquement plaisant, mais plutôt que de complexifier les combats, ils en deviennent encore plus limpides : on sait, même dans des foules chargées, que chaque soldat en bleu est en meilleure position que ceux en rouges. Malin.
L'utilisation et le travail sonore sur "La voix" est également particulièrement efficace, avec des déformations inhumaines à glacer le sang. La représentation des Fremen comme maîtres du désert et du combat est réussi alors même qu'ils n'ont que peu de place au sein de cette première partie, leur ombre plane sur Dune tout entière, et leur sortie du sable pendant les combats est des plus remarquables.
Il reste cependant un point sur lequel j'aimerais revenir, celui que je redoutais le plus ... la musique. Hans Zimmer. Pour faire court, lorsqu'un moment de poésie s'immisçait, ou qu'une scène prenait une certaine ampleur, et que je commençais à m'investir sérieusement, tonton Zimmer se devait de sortir les gros tambour et la cornemuse, tourner le volume à fond, et faire pousser des cris divers et variés. Trop fort, trop présent, et manquant cruellement de finesse. Plutôt que de me plonger dans le récit ou d'accompagner une émotion, la musique n'avait de cesse de me déconnecter du moment présent; un gâchis.
Pour conclure, je dirais que le paris est totalement réussi. La ou Blade Runner était encore trop auteur, Dune se veut plus accessible malgré la densité de son récit, et rien que ça c'est un énorme succès. Ajoutez à cela une photo impeccable, un casting 5 étoiles, des designs captivant à tous les instants, et vous avez un grand film.
Il faut faire abstraction de la musique, et accepter le rythme tendu qu'il s'impose, mais je suis convaincu que si le film floppe, ce ne sera pas à cause de sa qualité intrinsèque, mais bel et bien de ses conditions de sorties (covid, HBOMax, sortie décalée). On croise les doigts pour qu'il fonctionne, et qu'on obtienne la partie 2.