Lorsque le film fut annoncé il y'a quelques années, j'avoue avoir été très optimiste concernant le projet. Non pas qu'une nouvelle couche devait impérativement voir le jour pour combler la bancal adaptation de Dune par David Lynch en 1984 (film malade, mais à l'envie terriblement plaisante de voir cet imposant récit enfin projeté sur grand écran), mais plutôt de pouvoir retrouver Denis Villeneuve qui, depuis 10 ans, témoigne d'un superbe mélange entre projets couteux et poigne édifiante. On pourrait plus communément parler d'un très bon artisan de « blockbuster d'auteur », termes très irritant je le reconnais, mais qui serait ici à voir dans sa plus belle des facettes. Mais plus le temps passe (sortie repoussée d'un an avec le COVID), plus les images promotionnelles se déploient avec platitude, et plus la peur concernant ce nouveau Dune se fit sentir : et si Denis Villeneuve s'était fait manger par Hollywood ? Tant bien que même que son Blade Runner de 2017 offrit un des plus beaux moments de science-fiction de ces dernières, son bide commercial peut évidement laisser entrevoir la reconsidération d'une certaine liberté artistique.
Dune de Denis Villeneuve détient en lui quelque chose de terrible : il s'enlise dans sa forme colossale. Si le récit tient toujours sa force spirituelle et politique, ses paysages et ses effets spéciaux ne sont véritablement que la seule structure. Dune est en claire opposition avec les œuvres précédentes de Villeneuve : ici, la loi merveilleuse de l'intime face au grandiose s'effrite. La révolution sous-terraine et existentielle de Blade Runner 2049 ou la tragédie maternelle de Premier Contact laissent aujourd'hui place à un Dune qui étale son large - et souvent manichéen - drap politique, au cœur de cet univers pourtant si merveilleux. Il lègue ainsi la lutte intime de ce jeune prince au profit de visions oniriques aussi plates qu'une publicité (Zendaya), et à la construction d'un déchirement familial sans strictement aucune consistance. Dune oublie l'infime pour se laisser seulement impressionner par le grandiose. Situation d'autant plus désastreuse que Villeneuve délaisse sa lenteur qui témoignait d'autant plus auparavant du puissant grondement souterrain de ces films. Dune n'est qu'un terrible cinéma de paysage.
Il y'a néanmoins toujours quelque chose qui bouge certes. Il est évident que Denis Villeneuve tient cet univers avec cœur : sa mise en scène qui croit toujours autant dans la démesure, dans la noirceur ténébreuse. Le corps est donc bien là, dressé face à nous. Mais où est le cœur ? Comment croire en l'invisibilité d'un Chalamet ? Comment croire en un fragment de dangerosité pour un désert qui parait si calme ? En un récit intérieur volatile ? Dans l'intérêt même de ce premier opus, si l'on oublie l'existence de futurs films. Je le pose ici évidement : quel est le véritable intérêt de ce Dune ? Poser les premières briques du récit de Franck Herbert avec frilosité, d'accord. Mais la contemplation de la force formelle de Villeneuve ne peut survivre sans une démarche qui fait battre le cœur. Sans cette véritable allure, parfois silencieuse ou exacerbée, et qui rappelle aussi que les blockbusters peuvent témoigner de quelque chose. Dune n'est pas aussi vallonné que son désert : il meurt à petit feu dans sa platitude.
J'aime bien Denis Villeneuve, ca m'ennuie de dire ça. J'ai encore plus peur de dire que toute bonne chose a une fin.