Dune : Un opéra de l’échec


Cette adaptation du best-seller mythique et foisonnant de Frank Herbert est une fable futuriste audacieuse, un récit initiatique artistiquement à peine croyable. Les bouquins ont été tournés, retournés et analysés dans tous les sens, disséqués par une armée d'inconditionnels passionnés. Si bien que lorsqu'un réalisateur veut faire faire figure d'autorité pour afficher sa version de l'intrigue devant un public grandement constitué de néophytes, il y a matière à appréhender. Qu'il est donc difficile, voire impossible, de transposer à l'écran cette fable encyclopédique ultra-référencée initiée par Frank Herbert en 1965.
Etrangement, La Secte des adorateurs du roman ne semble pas encore lui avoir reproché le traitement infligé à ce livre culte au réalisateur de l’innovant First Contact. Car d'autres titans du cinéma s'y sont essayés avant lui, en abandonnant rapidement le projet comme l'a fait Ridley Scott en son temps (pour se consacrer à Blade Runner. Et c’est déjà un bon point).


Lynch évoquait



(avant de vouloir l’oublié)



un « opéra mental ». Et pour cause, en dépit de ce sentiment de déception que beaucoup auront, on oublie difficilement que ce monde est incroyablement déconcertant avec ses noms étranges qui résonnent dans l'esprit (Arrakis, Bene Gesserit, Kwisatz Maderach). Villeneuve en virant une bonne partie du délire mystique d'Herbert, évite la lourdeur de ce dernier mais, paradoxalement, sacrifie aussi la cohérence de l’univers proposant davantage une guerre de méchants contre gentils qui sont finalement méchants mais pas tant que cela. Basique.


Pourtant loin d'être l'étron lambda d'une production purement commerciale de science-fiction, Villeneuve ose, tente, et propose un certain raffinement : rare dans la SF. On notera ici également un raffinement raté dans la musique de Hans Zimmer totalement inaudible avec un 0,1 de décibel en tranchée, fractionnant le Dolby stéréo à un tel point que la voix du beaucoup trop gentil Chalamet est aussi dense que celui d’un cataclysme tempétueux, ce qui est un problème évident.


Pour les cinéphiles Jodorowsky, lui aussi aura à tenté le coup d’une adaptation. Le génie n’était pas compris, et le film est tombé à l’eau. Son rêve était trop grand.Cette dernière mésaventure qui a eu raison de la santé mentale de son concepteur graphiste H.R Giger, futur papa d'Alien, a été l'un des plus grands rendez-vous manqués du cinéma Mais heureusement, « Jodorowsky’s Dune » est là pour lui rendre un grand hommage.


Du colonialisme interstellaire.


Plus qu’à un futur lointain, c’est surtout vers une vision passée du futur que Dune nous ramène. Le faste des péplums (certains parlent d’un Laurence d’Arabie) et de leurs grands décors, la dureté du corps à corps et des combats à l’arme blanche, les mécaniques bien rustres et bien physiques des années 90. Mais voir Dune c’est avant toute chose voir un film sur le colonialisme 2.0


Des colons blanc sur-armés dépouillant un peuple noir superstitieux et numériquement inférieurs, tuant, pillant et volant leur unique richesse : La conquête des Amériques. Mais avec des vaisseaux. Pourtant ces colons ne semblent pas souffrir de la chaleur écrasante de la Planète, ce qui est peu crédible, ils auraient du être engourdis / ralentis par la chaleur, être dévorés par la soif, chercher à se protéger la tête, se protégez les yeux. De plus les contrastes Ice and Fire, nous rappelle qu’au commencement dans la théogonie, chaque nuit la Lune chassait le Soleil et le Soleil évinçait la lune : La Création entre ombre et lumière, tout cela offre une photographie à chaque plan et une vision manichéenne du Bien et du Mal réussie, mais paraîtra fébrile pour certains.

Et en ce qui concerne la photographie justement , là nous touchons à quelque chose de gracieux, dans des couleurs ternes, sans alternance aucune, le risque était grand. Villeneuve y répond avec de la pierre brute, de la lumière crépusculaire mais jamais pompeuse et des corps dépeints de mille façons.


Pourtant, un ennui mortel s’installe, un ennui gênant quand on sait le potentiel, mais si on s’ennui autant, c’est aussi parce que ce film n’a pas de fin. Du moins pour le moment (coucou Avatar 2)


Dans la droite lignée de son Blade Runner 2049, le Québécois réutilise tout son art de la texture et de la rupture. La complexité devient une simplification de l'intrigue : on comprend toute l'histoire mais du coup on ne comprend pas pourquoi tant d’esthétisme pour de l'essence hallucinogène au paprika. Les nuances à la base sont quelque chose de subtile.


L’Autre problématique est l'oubli de mentionner le goût du baron pour les jeunes hommes : d'un côté on lisse tout l'univers dans une hétérosexualité normative et c'est dommage ; d'un autre côté le baron était déjà assez affublé d'adjectifs dits négatifs et un amalgame est fait bien trop rapidement. Pas de bad buzz ce n’est pas le genre de la maison Villeneuve.


IN MEMORIA DI ME


Rapidement, la dimension Christique du Père qui (


spolier) nu, devant une tablée rappelant la Cène tombera et ressuscitera avec pour bonnes un Judas bien dégeu qui le trahira


. Ainsi dans un dernier souffle quasi divin, le Père offre sa vie pour son fils, l’Elu, le Christ, Paul, un apôtre comme un autre : Timothée Chalamet. L’acteur souffrant un peu, mais pas trop, rêvant beaucoup mais pas que, analysant les choses après coup et faisant tout cela en étant déjà amoureux et en voulant faire plaisir à sa maman parce que c’est un bon français. Le jeux des acteurs n’étant absolument pas l’interêt du film revenons aux couleurs divines.


Dune est un film de textures, pourtant le désert aurait pu y être plus oppressant, le désert vu d’en haut semble étrangement calme où il ferait bon vivre si des monstres de 400 mètres de long n’y vivaient pas. Un film de lignes pures. Un film de sons et d’échos où Zimmer ne s'étant évidemment pas empêché de balancer ses cris de baleine de Blade Runner 2049.
Pour Villeneuve, réalisateur de génie, le luxe découle chez lui du raffinement de la lumière et disons le d’une dimension épuré de ce qui aurait pu être une débauche numériques d’imagerie à la seconde.


Mais non Villeneuve prend son temps (2h36 hein), un peu trop parfois car tout étant plus ou moins métaphysique, ponctué de phrases phares qu’on ne saisit pas toujours, le rythme pourrait en perdre plus d’un. Dune est aussi une histoire de silence : Parlons-en d’ailleurs de ces silences ; dernière grande force de cette somptueuse mise-en-scène.
Des silences qu’on pourrait d’ailleurs coupler aux multiples plans fixes qui composent ce film, car le réalisateur sait s’effacer.ll s’efface quand il oblige le verbe à aller à l’essentiel (quitte à être parfois froid, étrange quand on est dans le désert d’ailleurs), lorsqu’il ménage les silences entre chaque échange, ou bien tout simplement quand survient le moment de montrer la grandeur ou la magnificence d’un vaisseau ou d’un ver des sable. Il fallait oser : dire cela, ce n'est pas dire pour autant que la musique est absente, loin de là. C'est juste dire qu'au moment de savoir se mettre en retrait, elle sait le faire. Et l'air de rien c'est quelque-chose qui commence à se faite trop rare dans les grands blockbusters actuels pour ne pas être signalé.
Et qu'on puisse dire ça d'un blockbuster américain sortant en 2021, je trouve ça d'autant plus agréable que c'est fort rare.
Le contraste avec tout ce qui a pu se faire ces derniers temps est d’ailleurs à ce titre assez saisissant.

SOFTWALKER
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le 26 sept. 2021

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