On n'apprend pas un processus en l'interrompant...
et on n'appréhende pas une œuvre en s'endormant, et pourtant, c'est la décision tyrannique et sûrement décrétée par un Imperium jaloux qu'a prise mon corps ce soir là, ou peut être éprouvais-je simplement une sensibilité à l'épice. Mon esprit, lui, étant tiraillé entre les limbes d'Arkanis et la noirceur de mes rêves.
J'ai réitéré l'expérience une nouvelle fois pour la vivre éveillé, en pleine conscience, et je ne l'ai pas regretté : quelle claque, quelle poésie ! Je n'ai pas lu l’œuvre originale et par conséquent je ne saurais dire quelle est la part de génie opérant cette magie entre Frank Herbert et Denis Villeneuve, mais peu importe, le résultat est là, indiscutable tant il rend ses lettres de noblesse au cinéma et tant il réhabilite les grosses productions qui ont depuis bien longtemps troqué l'émotion pour la consommation.
Mon cœur battait au rythme des oscillations du sable et je me voyais faire corps avec la Dune en effectuant la danse du sable pour ne pas réveiller Shai-Hulud, le seul maître naturel que reconnaissent les Fremens, ce peuple de bédouins exoplanétaire qui s'est vu dépouillé de son pétrole par un envahisseur capitaliste à la brutalité nazi. Évidemment le scenario et certainement l'histoire originale offrent des angles d'attaque : on se retrouve rapidement plongé dans un schéma manichéen avec d'un côté les peuples abritant un être providentiel et habités de valeurs nobles que sont l'amour, la loyauté, la sensibilité et le raffinement, et de l'autre des barbares insensibles, traitres et animés par la seule recherche du profit. Il serait intéressant de rappeler que Dune n'est plus tant une œuvre anticipation qu'un constat du présent. Les Harkonnen : appelez-les les comme il vous siéra, les capitalistes, les néolibéraux, les prédateurs insensibles, les pollueurs, tous ceux qui privilégient leurs intérêts au bien commun, troquez simplement leur calvitie pour un costard cravate c'est plus présentable...
Dans ce film tout revêt la forme d'un ballet, chaque corps, chaque élément se meut avec une délicatesse rare, comme suspendu dans l'espace et le temps : de la valse des vaisseaux en apesanteur, à la procession des Bene Gesserit en passant par les oscillations du sable au rythme des marteleurs; de la justesse des jeux d'acteur - que l'on ne présente plus- à la beauté de la photographie; de la sensibilité de la lumière à la rythmique psychotrope des musiques et bruitages.
Bouum bouuum bouuum, il serait temps d'enfiler votre distille et de préparer vos hameçons, je vois au loin la Dune qui s'anime.