Allons, qui oserait encore critiquer le grand Nolan ? Chacune de ses productions est tellement incroyable qu'on en oublierait presque que le réalisateur doit être au service de l'histoire qu'il raconte, et non l'inverse. Oui, le réalisateur nous offre sa vision des événements, oui, c'est sa touche artistique qui nous intéresse. Et il n'y a pas à dire, cette vision nous concerne tout particulièrement, car il ne s'agit pas de raconter l'histoire d'un milliardaire mal dans sa peau qui enfile chaque nuit un justaucorps afin d'aller tabasser des dealers qui peinent à finir le mois. Non, ici, il s'agit de raconter une histoire qui serait au rang de fable s'il n'y avait pas autant de témoins pour la raconter. Il s'agit de raconter comment 40 000 bateaux civils sont parvenus à sortir en une journée 300 000 hommes pris en étau entre les fusils allemands et la mer.
Alors, qu'est-ce que nous offre réellement ce Dunkerque by Christopher Nolan ? Déjà, il est classé PG-12, et ça, pour un film de guerre, c'est douteux. Ce qui frappe dès les premières minutes, c'est l'absence de sang. Le film commence par une dizaine d'hommes qui se font fusiller, mais dont les habits restent immaculés. On regarde un film de guerre où une bombe peut exploser à côté d'un homme en lui prenant la vie, mais en laissant son corps intact. Plus fort que fort. Sauf que la guerre, ça laisse des marques, la guerre laisse des conséquences sur les corps. Occulter cette réalité, c'est dans un sens occulter le sacrifice de ceux qui ne sont pas revenus. Nolan aurait dû savoir que montrer la guerre ne peut pas se faire correctement en cherchant à faire un film tout public.Mais si ce n'était que cela, alors le film resterait appréciable.
Mais voilà, j'ai douté dès la première seconde de ce que j'étais en train de regarder. On ne voit rien de l'opération Dynamo, si ce n'est trois chalutiers qui se battent en duel dans le port de Dunkerque. À trois, on évacue 300 000 hommes, c'est bien connu. Alors que voir tous ces bateaux apparaître et venir secourir ne nécessitait pas un génie particulier. Il est compréhensible que Nolan ait cherché à faire du réaliste avec des décors réels, mais à la différence de Tenet, à vouloir faire trop réaliste, il échoue à nous faire croire que tout ceci a bien existé dans ces conditions. Les effets spéciaux auraient certainement pu résoudre ce point, ou alors juste plus de bateaux et de sang.
Pour moi, ce film aurait pu, aurait dû même, être l'aboutissement du génie créatif de Nolan, et au final, on se retrouve avec un film lisse, qui est certes très bien réalisé (il manquerait plus qu'un Nolan ne le soit pas), mais qui ne donne que très peu d'émotion. On ne peut pas être génial à tous les coups, et Nolan nous rappelle que, nonobstant une filmographie extraordinaire, il est possible d'échouer à raconter une histoire qui se raconte toute seule.